Vers le développement des fonds d’amorçage « corporate » ?

Allez, petite louche encore aujourd’hui sur notre fameux « écosystème de startups ». On a causé déjà pas mal, ici ou  en interpellant les politiques, ou encore par ici ou par-là,  de tout ce qui montre que, tout de même, on a des raisons d’espérer que l’entrepreneuriat devienne un courant beaucoup plus important dans les années à venir. A mon avis, on a déjà fait une bonne partie du chemin !

Certes, la formation et la sensibilisation doivent être renforcés, les démarches administratives, et surtout fiscales et sociales encore être simplifiées, mais ça avance et plutôt pas mal. L’investissement est un peu mieux organisé, les montants en jeu augmentent régulièrement, les incubateurs se créent et les places dans les espaces de co-working partent comme des petits pains. On n’a jamais parlé autant d’entrepreneuriat un peu partout.

Hé bien, voilà un autre élément qui va dans le sens du renforcement de cette dynamique : l’apparition et le développement continu (bien qu’encore timide) des structures d’investissement dans de grandes entreprises. Oui, vous avez bien lu : de grandes entreprises (françaises, sinon ce n’est pas drôle), investiraient de l’argent dans des startups, en amorçage.

Mais pourquoi feraient-elles cela ?

La démarche, si elle n’est pas nouvelle de l’autre côté de l’Atlantique (Cisco, Sun, Microsoft, Google, FB, Zynga, etc… c’est plus dur de trouver quelle entreprise n’en a pas…), est encore peu développée ici, malgré quelques tentatives à l’époque de la bulle. Pour ces entreprises, investir dans des startups, très tôt, relève de plusieurs objectifs :

  • D’abord, de (re)devenir innovantes. Beaucoup de boîtes importantes ont du mal à sentir les dernières tendances en matière de digital/web/e-business, ou alors mettent trop de temps et sont finalement des « late adopters ». Lorsqu’elles essaient d’internaliser des structures de R&D ou de veille sur ces sujets, ça ne marche pas très bien… Investir dans des startups c’est ainsi une super façon d’avoir

 

  • Elles benchmarkent. Soyons clairs : dès qu’on agite un peu d’argent sous le nez des entrepreneurs, ils remuent la queue et se mettent au garde-à-vous. C’est ainsi très simple, avec quelques centaines de milliers d’euros, d’attirer ainsi tout l’écosystème, et en étant malin, de mieux voir ce qui se passe sur le marché, de faire des petites fiches, et de diffuser cela dans le reste de l’entreprise. D’ailleurs, à montrer ainsi toutes les nouveautés qui naissent chaque semaine un peu partout, c’est un très bon moyen de mettre la pression sur les équipes en place et les pousser à se montrer plus réactifs.

 

  • Elles recherchent des synergies avec leurs « grandes masses ». Toute grande entreprise à de gros atouts : des clients, de l’image, des process scalables et bien maîtrisés, des ressources humaines, une présence géographique étendue… Bref, tout ce qui manque à une petite boîte. De là à se dire qu’en tirant profit de tout cela la valeur de la startup va exploser, il n’y a qu’un pas ! Et sur le papier, c’est vrai que c’est tentant !

 

  • Elles préparent des achats futurs. Pas facile les fusions-acquisitions, autant mettre quelques tickets plus tôt, pour préparer des rachats futurs sans pour autant casser tout de suite l’innovation et la réactivité des jeunes pousses ! Avec des petits tickets, en amorçage, il y a finalement un bon compromis entre la puissance financière et l’indépendance nécessaire aux petites structures. Ce qui, au final, maximise les chances de réussite d’une absorption complète.

 

  • Elles achètent de l’image et font du bien à leur écosystème. Les Startups, c’est devenu sexy et positif, et c’est une manière maline (puisque les points ci-dessus et ci-dessous restent valables), de se faire une belle image. Et cela dénote d’une approche « écosystème », où la « grosse boîte » montre qu’elle cherche à bâtir des relations ouvertes et win-win avec les autres entreprises du secteur.

 

  • Elles recrutent. Plutôt que de chercher des gens très bons autant racheter les boites qui les ont déjà sélectionnés ! C’est ce qui se passe de plus en plus avec certains rachats d’entreprise early stage : les équipes sont la vraie raison de la prise de contrôle !

 

  • Elles améliorent le moral des troupes. Vue de l’intérieur, la vie dans une grande entreprise n’est pas toujours trépidante, et certains cadres se sentent attirés par l’entrepreneuriat. Pour éviter la fuite de ces talents, pourquoi ne pas reprendre (ou créer en interne, d’ailleurs) quelques jeunes entreprises et y injecter les cadres les plus attirés par une vie plus rock’n’roll ?

 

  • Elles gèrent leurs liquidités comme tout bon gestionnaire de patrimoine, en diversifiant le risque… Allez, c’est bien vrai, n’importe quel financier vous le dira, l’important c’est de mettre des billes un peu partout, ce n’est jamais qu’une décision rationnelle… Mais tant mieux pour les startups, si cela se passe bien !!

Il y aurait encore plein de raisons qui peuvent pousser une grande entreprise à se pencher sur le berceau de quelques startups. Même si les mariages ne se font pas toujours dans de bonnes conditions, c’est extrêmement intéressant de voir cette évolution. Tout comme le monde des incubateurs a évolué au cours des 4 ou 5 dernières années, celui des fonds d’amorçage d’entreprises privées devrait bien bouger, créant pas mal d’opportunités et préparant sans doute une augmentation des sacro-saintes « exits » industrielles, qui manquent encore trop en France…

Pour conclure, voici une partie que je mettrai à jour régulièrement : la liste des fonds d’amorçage d’entreprise. N’hésitez surtout pas à compléter en m’envoyant un commentaire !

Liste des fonds d’amorçage d’entreprise et autres formes de partenariats avec des Start-ups :

  • Seb Alliance – Petit dernier en date, le fabricant de produits électroménager veut entrer dans l’ère du digital, avec déjà une acquisition / investissement à son actif. Pour tous les projets autour des problématiques culinaires.
  • Dassault Développement – Un des plus anciens, puisque le fond a été lancé en 1995, avec pour objectif d’investir des tickets de moins de 3M€. Peu d’infos sur leur actu.
  • Casino Mercyalis – Un fond qui va devenir actif avec pour but de faciliter l’essor de startups e-commerce, principalement, ou en synergie avec les métiers de Casino.
  • Orange Vallée – parfois aussi appelée Orange Death Vallée, c’est le trait d’union entre l’opérateur historique et le monde des startups. De fait, le groupe Orange passe également par sa direction « nouvelles activités de croissance » pour faire des deals, comme avec Deezer ou Dailymotion.
  • Bouygues Telecom Initiatives – Incubateur et fond d’amorçage, quelques prises de participation et un accompagnement assez actif pour faire le lien avec les équipes opérationnelles.
  • SFR Développement (et plus largement, SFR Startups) – 18 sociétés ont été investies à ce jour, plutôt early stage.
  • TF1 – La chaîne leader a entamé une activité de veille et d’investissements dans les startups afin de diversifier ses activité et profiter de sa force de frappe incomparable.
  • M6 – La petite chaîne qui monte a depuis longtemps une approche assez pragmatique avec les startups, celles étant en lien avec son public pouvant bénéficier d’investissements et d’apports plus tangibles de la part de ses différentes filiales (web, visibilité publicitaires, CRM, …). A relire aussi mon article sur le sujet :)
  • La Financière Norbert Dentresangle – Le géant du transport et de la logistique (très connu en Rhône-Alpes pour l’implication de son fondateur et de ses dirigeants auprès des entrepreneurs) investit en amorçage, entre 300K et 1,5M€, dans le web principalement. Un peu différent d’un fond corporate puisqu’il s’agit ici d’un family office…

Un peu en-dehors du champ des startups web…

  • SNCF Ecomobilité Partenaires – Investissements uniquement dans les domaines, comme son nom l’indique, dans l’éco-mobilité. Un peu moins de 10 investissements réalisés.
  • Aster Capital (Fond d’investissement de Rhodia, Alstom et Schneider Electric) – 150M€ de capital, fondé en 2000 (sous un autre nom). Projets très technologiques.

Les rumeurs, entendues ici ou là… to be confirmed ou pas :
[vraiment, ce ne sont que des rumeurs, hein, ou alors des suggestions aussi :) ]

  • Total
  • PSA
  • Google (en France ?)

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A vous de m’aider à compléter – je sais que ce n’est pas encore exhaustif, loin de là !

 

10

  1. La Crédit Agricole Pyrénées Gascogne possède un fond PG Invest qui investi sur du traditionnel mais aussi du web : Immersive Lab, Tookets, Square Achat…

  2. J’ajoute ma modeste contribution :)

    * Total Ventures : fonds corporate de Total. Investi de très gros tickets, notamment dans les cleantech / greentech. Cf. Amyris (130 m$ pre-IPO) ou Gevo (30 m$).

    * Rhodia Ventures (structure séparée de Aster Capital)

    * « Veolia Innovation Accelerator » (VIA). Pas vraiment un fonds, mais une structure de partenariat start-up / Véolia.

    * Creadev, le fonds de la famille Mulliez qui a investi dans plusieurs business du retail (évidement…). On peut le considérer un peu comme un corporate VC par certains aspects.

    Dans la pharma/biotech:
    * Mérieux Développement
    * Novartis Venture Fund (pharma)
    * beaucoup de corporate venture funds dans les big pharma à l’étranger (Genzyme, JNJ, etc…)

  3. Bonjour Guilhem,
    En dehors du web, il y a également Saint Gobain qui retient des start-up proposant les solutions les plus innovantes dans les domaines de l’habitat, de l’énergie et de l’environnement avec pour objectif d’établir des partenariats stratégiques entre le Groupe et les start-up, afin d’explorer les opportunités de partenariat avec Saint-Gobain.
    http://bit.ly/kqiDc2

  4. Il semblerait que les fonds d’amorçage « corporate » ressemblent plus à des reprises complètes de starts up, plutôt qu’à un investissement de départ pour permettre à la jeune pousse de grandir. Si c’est plus de la prédation que de l’investissement court terme, le dirigeant de la start up n’a pas grand-chose à y gagner, il va être dilué et perdra le contrôle de sa société.
    Olivier Burdeyron
    http://www.financement-entreprise.pro

  5. Nous travaillons aussi au développement de ce type de d’approche au sein des grandes organisations. Elle s’avère représenter une solution efficace, notamment pour les raisons que vous indiquez dans votre article, pour favoriser l’émergence d’activités nouvelles et les doter de perspectives de réussite accrues.

    Il pourrait être intéressant que nous en parlions plus longuement, si vous envisagez de mettre en oeuvre des développements dans cette direction.

    Frédéric TAVERA

  6. pourquoi Orange Vallée est-elle aussi appelée « Orange Death Vallée » ? une explication ? Merci

  7. Une erreur de frappe m’a fait attribuer à ma charmante épousze la création prochaine du Fonds d’Amorçage des Eco Business Angels (dont je suis le Président).
    Elle n’y est pour rien ! C’est bien de moi dont il s’agit…

    Si vous êtes intéressé par ce Fonds potentiel, ecrivez-le moi en quelques phrases sur aubonconseil@yahoo.fr.
    Bel été indien !

  8. Tu peux aussi ajouter à la liste XAnge qui est très proche du Groupe La Poste et qui investit dans le web entre autres.

  9. Dans la même mouvance, une dizaine d’autres fonds d’amorçage ont été créés, grâce au soutien du FNA (Fonds national d’amorçage) et de CDC Entreprises.

    Pour les retrouver :
    http://stephanie-le-beuze.blogspot.fr/2012/12/les-nouveaux-fonds-de-fin-dannee-sous.html

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