Eric Besson, les start-ups, le JEI, le eG8…

Loin de moi l’envie d’interpeller ici tous les Ministres ou Secrétaires d’Etat du Gouvernement actuel (voir ici pour comprendre – j’attends toujours une invitation à en discuter), ni même de tirer sur l’ambulance (je suis plutôt un garçon optimiste), mais voilà, j’ai eu l’occasion de participer lundi soir à un apéritif de travail sur l’entrepreneuriat organisé par Eric Besson, notre Ministre de l’Industrie, de l’Energie et donc de l’Economie Numérique.
Marie Rufo en fait un compte-rendu en texte et en photos, je ne fais pas tout répéter ici, mais plutôt parler des points qui m’ont marqué et pour lesquels je n’ai pas vraiment de réponse aujourd’hui. Je lui pique aussi en fin d’article la liste des personnes invitées :)
Rencontre avec Eric Besson – Photo by Marie Rufo !
Pour parler quand même un peu du déroulement (c’est mon côté Voici…), nous étions donc une douzaine à nous retrouver un peu avant la rencontre, dans un salon de Bercy (jolie vue !), avec quelques sushis, macarons et jus d’orange. Eric Besson fait son entrée, nous nous asseyons en rond, intro d’une petite demi-heure très maîtrisée avec quelques notes. Sujets abordés :
  • son récent voyage dans la Silicon Valley, et les quelques enseignements qu’il en a tiré
  • l’évolution du JEI, avec une volonté du Ministre de demander un retour au statut précédent
  • les sujets qui seront débattus au eG8, une rencontre de 2 jours juste avant le G8 où ça parlera Web et Startups

Nous avons eu ensuite une bonne heure pour poser nos questions, là encore très tournées autour des questions qui taraudent les jeunes pousses du web… et avons eu quelques réponses ou prises de position. Je reste néanmoins assez frustré de cette rencontre. Certes il est agréable de discuter ainsi en direct avec les décideurs, mais l’exercice reste plus de la comm’ qu’un vrai travail de propositions. Du coup, je me rattrape ici :

  • Le statut de JEI tient aujourd’hui à l’écart les entreprises de services web, mobiles, ou software, qui ne sont pas purement innovantes au sens d’OSEO : innovations de process, marketing, d’usage, de distribution, ou qui consistent en une compilation de briques existantes, ce qui est aujourd’hui la majorité des entreprises web. A titre d’exemple, parmi les presque 100 startups accompagnées par l’incubateur HEC ces 3 dernières années, seules 7 ont recours au statut JEI ou au CIR. Hors, beaucoup sont aujourd’hui innovantes, vraiment. Mais bizarrement, elles ne rentrent pas dans les bonnes cases leur ouvrant cette voie « royale »…
    Et c’est d’autant plus frustrant que l’on fait appel, dans le même temps, à l’exemple des Simoncini, PKM, Granjon, les fondateurs d’AuFéminin ou ceux de SeLoger pour dire que oui, on a de belles réussites en France… en oubliant que ces boîtes n’auraient pas été vues comme innovantes au sens de la JEI…
    Axe de travail -> reconnaître beaucoup plus fortement l’innovation d’usage, marketing, de distribution, en rendant possible, sous certaines conditions et évidemment après screening, le financement OSEO de ces entreprises

 

  • On se cache parfois trop derrière notre très bonne formation d’ingénieurs… Pour le vivre au quotidien, les startups web ont les plus grandes peines du monde à recruter : des développeurs, des ingénieurs réseau ou infrastructure, des designers… Alors oui, on forme de très bons ingénieurs, mais ils filent, lorsque ce n’est pas à l’étranger, dans de grands groupes ou, pire, dans les SSII. C’est là encore une très grande frustration et surtout un frein ENORME dans le développement de jeunes entreprises de croissance, celles qui nous font cruellement défaut en France.
    Axe de travail -> prêcher plus pour la TPE/PME/Startup dans les formations techniques et business, faciliter la compétitivité des startups au niveau des salaires.

 

  • A plusieurs reprises (deux, exactement), Eric Besson a renvoyé la balle dans le camp des entrepreneurs. Je comprends bien l’argument selon lequel « l’Etat ne peut pas tout faire, c’est aux entrepreneurs de prendre les initiatives ». Evidemment, l’Etat ne doit pas se substituer à l’initiative personnelle et entrepreneuriale. Cela dit, la réponse est un peu courte, et se mort la queue : je pense que parmi toutes les populations qui « réclament » quelque chose, les entrepreneurs sont justement ceux qui se mouillent le plus et tentent d’amorcer la pompe avant de demander quoi que ce soit.
    Ce que je constate au quotidien, c’est que de plus en plus de jeunes (notamment) se lancent, créent des prototypes, vont chercher des premiers clients, arrivent parfois à convaincre quelques investisseurs, puis se retrouvent en situation très fragile – personnellement, financièrement, et au niveau business – un peu perdus dans la nature et isolés. Alors oui, c’est devenu extrêmement facile en France de se lancer (et il faut continuer le boulot), c’est l’étape d’après où l’on butte.
    Sans que cela ne coûte des millions d’euros, je pense qu’il y a des choses intelligentes à mettre en place pour aider un peu plus ces générations d’entrepreneurs et vraiment continuer à souffler sur les braises de l’entrepreneuriat en France, le pays en a bien besoin.
    Axes de travail -> mettre de l’huile dans les rouages de l’écosystème startups, pousser sur la formation et l’accompagnement, développer des espaces de co-working (le patrimoine immobilier de l’Etat ?).

Vous voyez d’autres points à rajouter dans la discussion ?

* Liste des participants: Loic BodinFrédéric CavazzaSébastien Couix,Gonzague DambricourtOlivier EzrattyCédric GiorgiGuillaume GralletAlexandre Malsch (membre du Conseil National du Numérique), Natacha Quester-SemeonSacha Quester-SemeonMarie RufoJulien Villedieu, et donc Guilhem Bertholet.

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  1. Je commente ton point sur les ingénieurs qui partent dans des grosses boîtes ou des SSII. Effectivement, bosser pour une startup, c’est généralement pas aussi bien payé. Même quand les startups ont réussi et en ont les moyens, elles ne proposent que très rarement des salaires équivalents.

    Aussi demander de « faciliter la compétitivité des startups au niveau des salaires » me semble ne pas être la bonne réponse. C’est, pour le coup, l’attitude des décideurs de startup qu’il convient de faire évoluer en leur faisant comprendre que, s’ils veulent recruter de bons ingénieurs, il faut s’en donner les moyens.

    C’est sans doute beaucoup moins facile à mettre en place que de demander des avantages fiscaux. Mais c’est probablement une réponse beaucoup plus rapide et réaliste à mettre en place.

  2. @Olivier : Oui, je suis d’accord, mais pour avoir plusieurs fois le cas, il y a deux choses à prendre en compte :
    – déjà les moyens des startups restent limités et les arbitrages budgétaires ne permettent pas, au démarrage, de s’aligner, quoi qu’il en soit
    – et d’autre part, même en proposant de gros salaires (si, si, les startups le font), ça reste la galère pour trouver les bons profils. Je ne compte plus les startups qui n’arrivent pas à trouver, même en payant plus que le marché ou en offrant des parts, des gens qui s’impliquent, font de gros horaires, et jouent le jeu de la startup

    Clairement, il manque dans mon propos quelque chose sur l’esprit entrepreneurial des profils techniques, qui est trop peu cultivé je pense dans les écoles d’ingés et de dév.

    Voir aussi cet article qui insiste bien sur ces points : http://www.guilhembertholet.com/blog/2010/11/10/comment-trouver-un-associe-developpeur/

  3. Guilhem,

    Adapter la mécanique de l’Administration aux startups et TPE:
    – aménager le paiements des charges et surtout tolérer les retards (je pense aux huissiers)
    – faire en sorte que le versement des aides OSEO et le calcul du CIR soient plus rapide

    Car cash(flow) is King…Le manque de liquidités tue tellement de startups.

    (j’attends depuis février le versement de la dernière tranche d’une aide à l’innovation, et depuis avril celui du CIR)

  4. « Axe de travail -> reconnaître beaucoup plus fortement l’innovation d’usage(…) en rendant possible (…) le financement OSEO (…) »

    C’est certainement un axe de croissance, mais je pense quand même que le soutien de l’État doit se diriger en priorité vers l’innovation technologique. C’est un des rares atouts qui restent actuellement dans la manche des pays « développés », dans l’environnement mondial. Les brevets (qui « marchent ») sont une vraie richesse pour un pays, et une vraie protection économique face à la concurrence des pays à bas couts.

    Les USA ne s’y sont pas trompés !!

    La grosse difficulté est que la France n’est pas bien équipée pour valoriser comme il faut l’innovation technologique, et l’écosystème « start-up tech » n’est pas assez développé (compétences business, investisseurs, partenaires divers, politique de collaborations entre start-ups et grosses sociétés, marchés de capitaux sous-développés, etc.).

    Résultat des courses, la majorité des start-ups tech partent au tapis, souvent pour des problèmes de financement ou d’équipe. Le reste est racheté trop vite, (souvent par des acteurs étrangers), car la France n’offre pas aux start-ups de croissance la possibilité de devenir indépendantes et de croitre en stand-alone, comme l’on fait Google, Microsoft, Apple, etc…

    Je ne suis pas contre un soutien de l’État aux start-ups du web, car il est clair qu’internet va représenter une part importante de la croissance au cours des prochaines années. Mais il est vraiment inquiétant de constater que l’État n’a toujours pas compris l’importance du développement *technologique* national, d’autant plus que la France possède une importante recherche académique !

  5. Pour répondre aux réflexions de @Olivier et @Guilhem :
    Je suis moi-meme ingénieur avec une spécialisation en entrepreneuriat de l’EMLYON. Je fais actuellement mon stage en startup car je voulais voir de l’intérieur ce que je pouvais « imaginer ».
    Bon déja, ce stage est un sacrifice financier pour moi, alors que j’aurais pu trouver directement un CDI, mais en plus, le salaire d’embauche qu’on va me proposer ne sera pas égale à celui que je pourrais avoir dans un grand groupe.
    Pour compenser cela, il y a les responsabilités et la capacité à faire vraiment changer les choses, comparé à un grand groupe ou je ne serai qu’un pion.
    Mais effectivement, le sujet est complexe.

    Et pour répondre @Guilhem, je pense effectivement qu’il manque un esprit entrepreneurial aux ingénieurs, j’ai moi-même tendance à me réfugier dans ma capacité d’analyse avec mes tableaux excel ou mes mappings alors que l’entrepreneuriat c’est surtout réussir à faire travailler les autres sur son projet, les motiver, et faire avancer la barque dans le bon sens. Ceci, on ne l’apprend pas en école d’ingénieur et c’est un tout autre esprit que de ce dire « je vais faire mes petits calculs dans mon coin et personne ne me fera ch… »

  6. @Guilhem: avoues ! T’y es allé pour bouffer gratis !! 😉

    Vous voulez l’aide des politiques ??? Prenons 3 domaines dans lesquels l’état est fortement impliqué et depuis très longtemps (20,30 voir 40 ans):
    l’immobilier, l’agriculture et les banlieues.
    Résultat:
    -il ya une bulle immobilière qui gonfle doucement (pas si doucement) mais surement (et vraiment surement).
    -les agriculteurs survivent plus qu’ils ne vivent et les subventions perturbent les productions car elles changent chaque année.
    -en banlieue, le chômage des jeunes frôle les 40%, les bâtiments sont vétustes et la seule chose qui augmente c’est l’insécurité .

    En ce moment la mode est à l’échec (FailCon), ça tombe bien l’état y travaille depuis 40ans !!

    Dans le même genre, je peux continuer très longtemps: pas de budget positif depuis une vingtaine d’année (étant militaire, chaque mois de décembre j’entends la même chose: il n’y a plus d’argent pour payer les fonctionnaires …); à partir de 50 employés une entreprise « reçoit » 36 (ou 37 je ne sais plus) réglementations supplémentaires (aks google avec « 50 employés »: on tombe sur un article de … 2008 basé sur un sondage de …. 2005); la complexité du droit français et l’instabilité fiscale (les impôts sont modifié tous les ans, quand c’est calme tout les 18mois …); l’état à une politique d’achat simple: tout payer trop cher; etc etc … (je ne vais pas flooder mais j’ai beaucoup d’autres exemples)

    Donc vous voulez que l’état vienne aider les startup ???? Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, surtout si on veut que ça marche.
    On doit se prendre en main sans les politiques, c’est notre seule chance.

  7. Existe-t-il un (ou plusieurs) site d’emploi spécialisé dans les startups ?

    Je ne compte pas Teamizy au sens où il ne s’agit pas d’emplois mais d’associés qui y sont recherchés.

  8. @Olivier -> j’utilise RemixJobs

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