J’ai abordé hier la question épineuse des business-models, ou modèles économiques. J’aimerais m’attarder sur un des nouveaux modèles qui semble être celui que choisissent beaucoup de boites Internet, en mal de monétisation et pour qui la publicité ne restera qu’une portion congrue des revenus. Et si j’en parle plus en détail, c’est surtout que je pense que ce modèle a de beaux jours devant lui même en-dehors du net ! Explications.
Un petit rappel tout d’abord :
Le modèle Freemium est un modèle assez récent. Il est issu du web, est consiste en la mise à disposition gratuite d’un service de base. En étant gratuit, le risque est fortement limité et l’on peut accéder, rapidement, à beaucoup plus d’utilisateurs. Pour accéder à des fonctionnalités plus étendues, les utilisateurs doivent payer, et utilisent alors une version “premium”. C’est l’un des modèles privilégiés des compagnies Internet à l’heure actuelle. Le terme est apparu la première fois dans la Silicon valley en 2006 !
Le calcul économique est simple : plutôt que de vendre mon produit à 100% des utilisateurs, je vais le mettre gratuit pour la grande majorité. Une petite partie de ces gens-là aimeront le produit et voudront l’utiliser plus amplement, en étant alors près à payer pour cela. Comme le gratuit attire pas mal de gens, le petit pourcentage représente en général un grand nombre de personnes et il est donc possible de générer d’importants revenus de cette manière-là. En plus, en « occupant » les gens qui ne paient pas avec votre produit, vous les empêchez un peu d’aller voir chez les concurrents.
Alors tout n’est pas aussi simple que cela, il existe en réalité plusieurs grandes familles de freemium :
- Limitation dans le temps, vous avez le droit d’utiliser le service gratuitement pendant un certain nombre de jours. L’avantage est que du coup vous n’avez qu’une seule version. L’inconvénient, c’est qu’il faut que l’utilisateur se rende bien compte de l’intérêt de ce que vous offrez, et qu’en prime il faut qu’il joue bien le jeu.
- Limitation dans les fonctionnalités, avec une version gratuite plus simple que la version premium. Il faut alors bien doser la répartition pour que la version gratuite soit tout de même intéressante mais tout juste frustrante pour engager les utilisateurs à payer. Et que ceux qui paient en aient pour leur argent ! Cela vous oblige également à gérer plusieurs versions. Ce peut être intéressant aussi pour former les utilisateurs à votre service, en ne leur donnant à maîtriser qu’une partie des fonctionnalités (celles qui font la base du service), et en leur donnant la possibilité d’avoir des fonctions avancées pour leur permettre d’être plus efficaces ou d’obtenir plus de détails.
- Limitation en nombre d’utilisateurs, ce qui nécessite que votre produit soit utilisé… à plusieurs. C’est assez courant, mais encore une fois il ne faut pas se tromper dans le nombre d’utilisateurs fixant la barrière entre service gratuit et service payant. Vous pourriez en effet cannibaliser une partie importante de votre propre marché.
- Limitation en volume, qui permet de contourner les barrières des précédents modèles, en offrant un produit complet, à tous les types d’organisations, et pour une durée n’empêchant pas l’adoption du service. Si les utilisateurs utilisent « vraiment » le produit (par exemple avec un certain volume de messages échangés, d’entrées dans la base, de nombre de projets créés…) alors ils doivent payer. Cela permet une prise en main progressive de l’outil jusqu’à sa complète adoption.
- Le modèle « Matérialiste ». Il faudrait lui trouver un autre nom, mais je l’aime particulièrement car il tire un trait d’union entre les données électroniques et les choses du réel. Il consiste à tirer profit (comme dans les autres cas) des faibles coûts marginaux de l’Internet (production, stockage, diffusion) pour « appâter » le client et lui faire découvrir une création. Si la personne aime ce qu’elle voit, lit, entend, regarde, comprend… elle sera tentée d’avoir l’objet réel qui en est tiré. C’est le cas dans la diffusion gratuite d’ebooks par pdf, qui peuvent donner envie d’acheter les versions papier. Ou comme pour la musique mp3 qui seraient téléchargeable gratuitement, mais qui serait la comm’ d’un concert, d’un CD ou d’un DVD. Madonna a bien compris cela, sa « maison de disques » n’est autre qu’un spécialiste de l’organisation de concerts ! Jetez un oeil à http://www.concordfreepress.com/ pour vous en convaincre… modèle encore à confirmer !
- Le modèle « OpenSource », même si je vais pervertir un peu le vrai modèle opensource ici. Il s’agit de mettre à disposition un « coeur » d’offre, semblable pour tous les utilisateurs, et vendre des prestations de personnalisation autour de ce coeur. Ou des services annexes (formation, support, …). Je me demande si le fait de tenir un blog ne rentre pas là dedans aussi, tiens. Les écrits de l’auteur font un peu sa pub, du coup il se positionne en expert, et finalement peut vendre des prestations de conseil ou obtenir des choses grâce à cela.
- A vot’ bon coeur. Une des autres possibilités est de tout donner gratuitement sans limitation. Et de proposer à la communauté de payer ce qu’elle souhaite, un peu comme Wikipedia (qui a reçu 3 millions de dons et l’aide de 75000 rédacteurs). Plus cyniquement, on pourrait voir ça chez les personnes qui lavent votre pare-brise au feu-rouge. Vous ne payez que si vous voulez,
surtoutmême si vous n’avez pas voulu recevoir le service. C’est tout de même un pari risqué.
- [edit] Le « autre chose ». L’idée est de se servir de son service comme d’un attrape-mouche, et de rentabiliser l’audience et les données collectées d’une autre manière, par exemple en analysant ces données et en s’en servant comme institut de sondage ou conseil marketing. La gratuité de votre service vous permet d’avoir une large base d’utilisateurs et donc pouvoir être crédibles. Pas mal de systèmes mêmes physiques évoluent vers cela : impression de photos, offre de chèques cadeaux, … en échange du renseignement d’un questionnaire, et donc d’un profiling.
[re-edit] : ce dernier modèle n’est pas un freemium, en fait, c’est un « free » tout court, avec un tiers payeur. Je parlerai de ce modèle prochainement, qui fait intervenir d’autres métiers et d’autres parties prenantes, au même titre que la pub finalement.
Encore une fois, n’hésitez pas à me donner votre avis, le débat me semble intéressant !
- Limitation dans les fonctionnalités, avec une version gratuite plus simple que la version premium. Il faut alors bien doser la répartition pour que la version gratuite soit tout de même intéressante mais tout juste frustrante pour engager les utilisateurs à payer. Et que ceux qui paient en aient pour leur argent ! Cela vous oblige également à gérer plusieurs versions. Ce peut être intéressant aussi pour former les utilisateurs à votre service, en ne leur donnant à maîtriser qu’une partie des fonctionnalités (celles qui font la base du service), et en leur donnant la possibilité d’avoir des fonctions avancées pour leur permettre d’être plus efficaces ou d’obtenir plus de détails.
26 novembre 2008 at 20:47
Ce modèle est effectivement très pertinent pour monétiser des sites internet. Certains diront qu’il n’est pas possible de faire payer les internautes mais je pense que cela va évoluer. Notamment avec la démocratisation du web mobile. Les consommateurs sont habitués à payer des services en plus sur leur abonnement de portable.
En tout cas, je compte mettre en place un model freemium avec limitations des fonctionnalités sur mon projet. Cela permettra d’éviter de reposer uniquement sur la pub.
27 novembre 2008 at 9:45
Comme tu le dis le freemium connaît un succès important sur le net principalement car les coûts d’un produit numérique tendent vers 0 (stockage, bande passante etc…) En écho à cet article je conseille de lire « better than free » de K. Kelly (je sais que la majorité d’entre vous a du le lire mais bon…) qui classe en 8 catégories les valeurs qui amènent un utilisateur à payer dans le cadre d’un service free: l’immédiateté, la personnalisation, l’interprétation, l’authenticité, l’accessibilité, la matérialisation et enfin le « patronage » et la « findability ».
En application dans le monde du réél avoir son génome sera bientôt gratuit mais l’interprétation de celui-ci sera monétisé.
27 juillet 2009 at 9:42
Bonjour, serait-il possible d’avoir des exemples de sites correspondant à chacun des modèles freemium évoqués car je dois avouer que le freemium limitant le nombre d’utilisateur ne me dit rien…
Merci
29 juillet 2009 at 10:48
@PatriK77 : sur http://www.videoconference.com par exemple, c’est gratuit jusqu’à 4 users en même temps. Il faut payer pour pouvoir faire sauter cette limitation. Idem pour http://www.mindmeister.com.
Limitation dans le temps : principe assez classique notamment en limitant à 30 jours l’utilisation (système hérité du bon vieux software/shareware)
Limitation dans les fonctionnalités : http://www.linkedin.com en est un super exemple, mais je pense que c’est l’un des plus courants. http://www.mindmeister.com reprend aussi cela en partie.
30 août 2009 at 19:15
J’ai créé un site de service gratuit il y a quelques années.
Mon objectif premier était de réussir à le faire adopter.
L’essentiel n’est-il pas d’avoir d’abord du succès avant de rêver faire des bénéfices ?
Ensuite je l’ai monétisé via les pubs et un sponsoring.
Il y a quelques mois j’ai lancé une version Premium qui marche mieux que ce que j’aurai pu imaginer.
Hier, pour la première fois , j’ai entendu le mot « freemium ».
Et je ne pense pas qu’on puisse avoir plusieurs chemins pour réussir quand on est sur un marché « de rupture technologique ».
La boucle est bouclée . Je peux passer à autre chose ; enfin !
19 mars 2010 at 12:26
Quelle est la différence entre le freemium et le premium ?
L’un des deux termes est il apparu avant l’autre ?
4 juin 2010 at 16:13
Super article Guilhem Bertholet!!!
Clair et concis merci beaucoup!