[Post croisé avec Bruno Soulez, fondateur d’Arthemia et de J’ai l’artisan, que je conseille dans le cadre de son Advisory Board – Pour lire son point de vue, foncez-vite sur son blog !. Ce post est né d’une conversation avec Bruno, sur son projet, où notre vision des choses n’était pas totalement alignée. D’où des choses difficiles à entendre, mais aussi difficiles à dire. Mais comme la communication franche et directe est souvent la meilleure des solutions…]
Je répète à l’envi dans ces lignes qu’il est primordial pour l’entrepreneur d’écouter ce que les autres ont à lui dire (par autres, comprenez soit clients potentiels, soit « conseils avisés »). Qu’il doit, pour réussir, avoir les oreilles débouchées et savoir se remettre en question, changer son fusil d’épaule, ne pas arc-bouter sur des positions tout simplement car il ne veut pas avouer qu’il a tord…
Le corollaire de ce point, c’est que pour que l’entrepreneur écoute, il faut que quelqu’un parle. Et ces dernières années, j’ai souvent été du côté de celui qui parle, et qui doit donc dire ce que l’entrepreneur ne veut pas forcément entendre, et même au-delà : le dire de telle manière qu’il sera capable de l’entendre. Et ce n’est pas facile !
En effet, comme beaucoup de monde, je n’aime ni le conflit, ni la contradiction, et j’aime aussi BEAUCOUP les entrepreneurs. Pas facile donc d’allier cette « tendresse » naturelle envers eux et tout de même l’obligation d’être objectif et direct, de dire les choses telles que je les pense surtout lorsque j’ai le sentiment ou la conviction qu’ils sont en train de se planter sur tel ou tel aspect de leur business.
Et pourtant, je sais au fond de moi que c’est le meilleur service à leur rendre. Même s’il serait plus facile à la fin d’un pitch de dire « ah, oui, super intéressant, c’est vrai qu’il y a un truc à faire sur ce marché », alors que mon cerveau aujourd’hui totalement câblé « entrepreneuriat/startup/business » ne m’envoie que des signaux rouges style : « alerte – bullshit – pas de besoin chez le client – pas de segmentation claire – vraie-fausse bonne idée ! » (et avouez que vous aussi cela vous est arrivé – il est impossible que TOUS les pitchs que vous avez entendus et les projets que vous avez croisés soient excellent).
Que faire donc, pour ne pas casser la mécanique, démoraliser le porteur de projet (le fameux roller-coaster qui vous met down pour une semaine) ? Mais en même temps lui renvoyer ce feedback si nécessaire à le faire progresser dans son projet ?
En pareils cas, j’adopte une position constructive : je dis ce que je pense, et explique pourquoi. Et là, c’est une discussion qui s’engage : après tout j’ai peut-être tord. Mais si l’entrepreneur sait écouter, il va quand même tâcher de comprendre mon point de vue, et ensemble on va pouvoir essayer de trouver des solutions pour très opérationnellement contourner les difficultés en question, trouver des solutions alternatives, …
Reste que pour l’entrepreneur, ce n’est pas un moment facile, et il est compliqué de se remettre en route. Heureusement que dans la plupart des cas, il a une forte capacité de résilience pour continuer à avancer… en prenant en compte certains des retours (mais pas tous, heureusement !). Et surtout en gardant le cap par rapport à la mission qu’il s’est donnée.
Et vous, vous savez entendre / dire les choses difficile ?
[Foncez lire le point de vue de Bruno sur le même sujet…]
13 septembre 2010 at 13:05
Important sujet que celui-ci!
Et sur lequel je peux parler parce que, comme toi, j’ai à la fois été beaucoup entendeur et beaucoup donneur de conseils… Avec toi notamment. 😉
Sur l’aspect écouter les conseils: Je suis pas fan du billet de Bruno parce que il dit, en somme, vous êtes trop têtus les amis, il faut écouter les conseils. C’est sûr que c’est difficile de trouver quelqu’un de plus embouché qu’un entrepreneur. 😉 Mais si l’entrepreneur en général est embouché c’est pas seulement parce qu’il faut une bonne dose d’amour-propre pour lancer sa boîte. C’est aussi parce qu’entrepreneur, TOUT LE MONDE te donne ses conseils. Être entrepreneur c’est pitcher 150 fois par jour et donc entendre les mêmes questions et les mêmes critiques, la plupart du temps de gens complètement extérieurs à ton secteur, ou même à l’entrepreneuriat en général (ce qui peut parfois être un utile « bullshit test » — si ta grand-mère ne peut pas comprendre ce que tu vends et pourquoi, il y a peut être une raison — mais au bout du 100ème le ROI est franchement de zéro…). Ca donne une carapace, dont il est difficile de se défaire.
Comme le disait un billet de Chris Dixon hier, « si vous ne vous faites pas rembarrer une fois par jour, votre projet n’est pas assez ambitieux. » Est-ce que tu connais un seul entrepreneur à qui on n’a jamais dit « Ton truc là, ça marchera jamais »? Moi non plus.
Il me semble donc que le sujet n’est pas tant un binaire EST-CE qu’il faut écouter les conseils (oui toujours, ou plutôt je dirais… toujours entendre, pas toujours écouter), mais QUAND, COMMENT, et surtout… DE QUI.
Sur comment donner des conseils: je suis d’accord avec toi à 100%, tu le sais. Je l’ai fait à de nombreuses reprises, et comme toi, j’ai ce côté automatique qui cherche « la petite bête » et qui est bien chiant. Mais plus ça va plus je suis cash.
Je commence par dire à peu près ce que tu dis dans ton billet: « Je te présente d’avance mes excuses, mais c’est automatique chez moi comme j’ai vu des douzaines d’entrepreneurs dans mon activité, j’ai automatiquement des voyants rouges (j’utilise la même métaphore, tiens!) qui s’allument dans mon esprit, donc le prends pas mal. » Et ensuite je déballe.
Pourquoi?
1- C’est plus rapide. On perd moins de temps.
2- C’est plus efficace. Pas la même chose que plus rapide. Si tu enrobes ta critique de qualificatifs, tu vas plus difficilement au coeur du sujet, et au final l’enseignement qui en ressort est moins intéressant.
3- Peut être le plus important: ça te permet de savoir si t’as un vrai entrepreneur en face de toi. Non seulement un vrai entrepreneur ne sera pas offusqué, scandalisé, etc., mais c’est ce qu’il DEMANDERA de toi, parce qu’il a confiance en lui, en ses idées, en son business, il les connaît, et DONC il sait qu’ils ne sont pas parfaits et il veut les améliorer sans cesse. Je m’en suis très bien rendu compte quand j’étais consultant. Si un prospect s’offusquait de mes critiques, je passais à quelqu’un d’autre parce que je savais que ça ne marcherait pas. Au contraire, si j’avais un bon entrepreneur en face de moi, plus j’étais cash plus il en demandait.
Donc en plus d’être bon en soi, c’est aussi un très bon test de la « fibre » entrepreneurial de ton interlocuteur. Peut être pas sur un faible 1A au Bac à sable 😉 mais si le mec (malheureusement c’est toujours un mec!!) a fini ses études, selon moi il doit pouvoir encaisser.