C’est une réflexion que je mène depuis pas mal de temps et il aura fallu un article de Serge Roukine, intitulé “Ne me pitchez pas une startup de niche” (au passage je vous recommande la lecture de son blog, excellent), pour me pousser à écrire.
Son point de vue, si l’on doit le résumer, est de dire que trop nombreuses sont les startups qui s’attaquent à des marchés trop petits pour espérer en vivre un jour. Et il démontre tout cela avec un exemple de startup de cours de code en vidéo.
Je suis pour ma part, au contraire de Serge, un amoureux des startups de niche (voire même des entrepreneurs de niche). C’est sûrement mon côté monomaniaque et obsessionnel qui veut ça. Mais je le rejoins tout de même sur certains points, paradoxalement… Voilà donc mon point de vue sur cette question (devenue) récurrente en création d’entreprise… N’hésitez pas à rejoindre la discussion et à apporter vos arguments !
C’est quoi, une niche ?
Avant de commencer, petit élément de définition. Une niche, ou marché de niche, c’est tout simplement une partie restreinte d’un marché plus global, ou si on veut être assez grossier, un sous-marché, dans lequel les acteurs ont des besoins un peu plus spécifiques que ceux du marché global, ou se différencient par des critères démographiques, géographiques, ou tout autre critère valable de segmentation.
Pourquoi le problème se pose…
Finalement, pourquoi parle-t-on de niche dans le processus de création d’entreprise ? Pourquoi même l’objet de ce post ou de celui de Serge ?
Plusieurs réponses à cela, entre autre :
- historique : les différentes bulles web que l’on a pu connaître on un élément central : les startups qui ont le plus explosé au moment de l’éclatement de la bulle sont celles qui se voulaient le plus généraliste possible. Et comme on dit, chat échaudé craint l’eau froide !
- financière : pour un entrepreneur, l’allocation des ressources est primordiale, et de toute manière, il ne sera pas possible d’attaquer tous les segments voulus. La réduction de son marché à une niche est donc une réponse à ce constat, rendant l’attaque commerciale et marketing de ce sous-marché accessible à la startup.
- financière (bis) : aujourd’hui, les investisseurs demandent de plus en plus une “preuve de concept” avant d’oser mettre un peu d’argent dans un projet. Une niche permet de faire cela parfois beaucoup plus rapidement.
- entrepreneuriale : on voit beaucoup de porteurs de projets qui croient connaître leur marché, croient connaître leurs clients, et finalement se reposent sur une étude quanti (on a interviewé plus de 300 personnes par Internet) ou sur des études sectorielles genre McKinsey, Forrester, etc. Une approche “niche” nécessite de vraiment aller au contact des gens et de comprendre leurs besoins, leur processus de prise de décision, leurs critères de choix…
Quelques préjugés sur les niches.
Mon propos n’est pas ici de diminuer la taille du projet d’un entrepreneur. Mais bien de dire qu’une startup peut réussir en se focalisant sur une approche de niche. Et s’il pourrait être considéré comme tel, c’est qu’il y a des idées reçues dès qu’on évoque le mot “niche”.
- Niche ≠ petit. En effet, une niche n’est pas forcément “petite” et de nombreuses boite vivent très bien sur leur niche. Si le marché de base est très grand, par exemple les cours d’anglais, une niche peut l’être aussi, par exemple les cours d’anglais par mail.
- Niche ≠ une seule niche. Une entreprise normale et établie (disons, une PME très classique) a plusieurs offres, plusieurs segments, plusieurs approches marché. On pourrait presque dire plusieurs niche. Il en va de même
- Niche ≠ niche pour toujours. Certaines niches se développent très vite. Et donc une niche au lancement de la startup peut devenir un vrai marché. Je vais encore me faire attaquer en parlant de Google, mais au départ, ils vendaient quand même un produit de niche, avant de mettre le doigt sur leur poule aux oeuf d’or…
- Niche ≠ niche pour toujours (bis). Une startup peut aussi se lancer sur une niche, puis remonter vers un marché plus important. Le positionnement évolue avec l’âge, et il faut bien voir cela dans un processus dynamique !
Act small, think big : la niche n’est qu’une étape.
La niche n’est donc, pour une startup “de croissance”, qu’une première vie de l’entreprise, qui va se servir de ce passage pour gagner en crédibilité, focuser ses efforts de développement, son marketing, ses démarches commerciales pour rapidement devenir numéro 1 de sa niche, et pouvoir ainsi partir à la conquête d’autres marché.
En tant que pro de la création d’entreprise (j’ai décidé de me la péter ce matin), je crois beaucoup plus dans un projet de boite voulant très vite gagner des parts de marché sur une niche puis construire un business plus gros qu’en des porteurs de projets souhaitant tout de suite conquérir le monde entier.
Finalement, c’est bien ça qui fait la différence : une vision ambitieuse et long terme conjuguée à un opérationnel de niche très ancré dans le réel.
Et vous, vous voyez quels avantages et inconvénients au fait de chercher à “nicher” son produit/service ?
21 octobre 2009 at 16:09
A mon avis vous parlez de deux choses différentes.
Pour une *startup* s’attaquer à une niche est une contradiction dans les termes car les startups ont des impératifs financiers (et de leurs investisseurs) qui font qu’elles ne sont intéressantes que si elles s’attaquent à un marché important.
Mais les startups sont une très petite proportion des entreprises créées. Une startup c’est quelque chose de très spécifique justement: une entreprise financée par du capital risque qui cherche à créer ou à modifier un marché très important.
Pour une *entreprise*, au contraire, être sur une niche est fondamental, ou en tous les cas probablement le meilleur moyen de sécuriser et de pérenniser son activité. Mais la logique de niche est l’inverse de celle d’une startup: profitabilité importante et croissance modérée d’un côté, profitabilité faible (voire nulle) au départ et croissance très importante de l’autre.
L’intersection entre les deux (et ce qui fait que selon moi c’est un faux débat) c’est que, à y bien regarder, toute startup a commencé par une niche, des early adopters qui permettent de raffiner le produit, voire de valider le business model (ou le revenue model en tous les cas), de faire du bouche à oreille, etc. et de servir de point de départ pour partir à la conquête du monde. L’exemple type est Facebook, qui pendant très longtemps était restreint aux étudiants d’un certain nombre d’universités. Aujourd’hui Foursquare, pas disponible à Paris (ARGH!). Mais même Google jusqu’au début des années 2000 était un site d’early adopters, et on sait le rôle que le bouche à oreille a joué dans sa croissance.
Donc très souvent (toujours?) il faut que les startups adoptent une activité de niche, au moins au début.
23 octobre 2009 at 8:50
La niche est effectivement pratique au début pour la start-up, mais attention au revenu moyen annuel par client ! Qui dit start-up dit part de marché à conquérir. Qui dit niche dit petit marché. Qui dit petite part d’un petit marché doit dire (assez rapidement) gros « panier moyen » sans quoi la rentabilité n’est pas acquise.