C’est l’un des grands trends (buzzword ?) en ce moment, aux côtés de l’échec, de la lean startup, et de quelques autres courants de pensée en entrepreneuriat : le Customer Development.
Mis en lumière par Steve Blank dans The 4 steps to the epiphany, le Customer Development c’est un ensemble d’étapes très concrètes pour vous permettre, au moment où vous allez lancer une startup, de ne pas passer 12 mois dans votre garage à développer un produit génial… mais que personne ne voudra au final. Il s’agit donc bien de se mettre dans la peau des clients potentiels, de très vite développer un premier produit, de le tester, de mesurer ce qui marche ou pas, d’en tirer des conséquences, et d’avancer ainsi par très petites boucles de validation. Avec l’avantage de ne pas se prendre un gros mur sans l’avoir vu venir…
En gros, il y a 4 très grosses étapes dans le Customer Development :
- la découverte des clients, ou Customer Discovery. On souhaite ici découvrir qui sont les clients, quels sont leurs besoins, et quel produit pourrait apporter une solution. Le but est de parvenir, très rapidement, à une première version du produit (site web, service… peu importe d’ailleurs), que l’on pourra montrer et qui servira à cristalliser les retours de ceux à qui on souhaite vendre quelque chose ! Il est super important d’être bien dans l’état d’esprit suivant : on est là pour tester des hypothèses, on va se prendre des vents, mais on va progresser jusqu’à toucher du doigt un début de frémissement de marché…
- La validation des clients, ou Customer Validation. Ici, on va plutôt se pencher sur comment on peut passer de quelques utilisateurs à un peu plus, bien armés de notre produit « minimum » (le fameux MVP, Minimum Viable Product). Nous cherchons donc à valider le fait que l’on a bien trouver un segment de marché, prêt à payer ce qu’on lui propose. D’ailleurs, on va aussi chercher à trouver une manière « répétable » de toucher ces clients, tout en travaillant sur la façon dont on vend et on fixe les prix de notre offre : il s’agit non seulement de valider qu’on a un marché suffisant, mais aussi qu’on peut l’atteindre, de manière efficace et rentable (même si pour l’instant, c’est à petite échelle).
- La création du parc clients, ou Customer Creation. Forts des premières ventes, on va pouvoir accélérer, en se servant de ce qu’on a appris et compris au niveau marketing et commercial. C’est ici que le type de marché sur lequel va entrer la startup va jouer (est-ce un marché nouveau, avec déjà beaucoup de concurrents, est-ce une niche d’un marché existant…) : les techniques utilisées devront être adaptées.
- La construction de l’entreprise, ou Company Building. Cette dernière phase est celle qui rend la croissance rentable, « scalable », plus rapide. On va s’attacher à améliorer l’organisation des équipes, recruter les bonnes personnes, améliorer les processus, se rendre non-indispensable en tant que fondateur… Les managers font leur apparition en général !
Chaque étape comporte autant de boucles de validation qu’il le faut, avant d’aller à l’étape suivante. Et, contrairement à la façon « classique » de mener un projet, il est complètement normal, parfois, de revenir au début, en « pivotant », lorsque les hypothèses effectuées en étape 1 ne sont pas validées à l’étape 2 (sinon, c’est le mur assuré les amis…).
Chaque étape – et je vous conseille de lire The Four Steps to the Epiphany pour avoir tout le détail – est elle-même découpée en plusieurs morceaux…
Je vous livre ici les deux premières choses à faire si vous voulez vous insérer dans une démarche de « custdev » : les hypothèses produit, et les hypothèses client.
Le principe est simple : une étape, un document word. Dedans, la liste des questions à vous poser, et un espace pour noter tout ce qui vous vient en tête. Ce seront là les points à aller creuser. Normal si, à ce stade, vous ne pouvez pas répondre à tout !
Comme je m’applique cette méthodo dans mon nouveau projet, je me suis dis que ça valait peut-être la peine de prendre quelques minutes de plus pour faire ça au propre et vous le partager… Mais j’attends vos avis :
- est-ce utile pour vous aider à rentrer dans la méthode ?
- que manque-t-il ? qu’y a-t-il en trop ?
- quels sont vos retours, vos questions, vos attentes ?
- je continue ou pas à partager ça ?
Bref, à vos stylos 😉
5 octobre 2011 at 15:10
Hello,
Pour compléter ce que tu viens de dire, un outil (en beta) permet d’aider la construction des différentes itérations et leur suivi :
http://www.leanlaunchlab.com
Je me suis inscrit mais je n’ai pas encore testé…
5 octobre 2011 at 16:33
Salut!
Pour avoir lu le bouquin (et m’en servir encore souvent) et passer du temps au Lean Startup Dojo, je dois avouer m’être beaucoup posé de questions sur cette méthode.
Car elle ne me convient pas…
Non qu’elle ne soit pas bonne, mais plutôt parce qu’elle s’adresse à un type de startuppers.
Je m’explique : j’ai souvent remarqué que la façon dont réagit le fameux « client » originel, dépend beaucoup de qui expose l’idée. Or, pour l’avoir vécu, à une même idée une fois par un techos et une fois par un biz guy, le résultat était effarant de différence!
Les deux ont dit exactement la même chose, mais avec leur mot. Or, un techos va évoquer ce qu’il trouve génial dans l’idée d’une certaine façon, et le biz guy autrement, ce dernier ayant un relationnel au client plus affirmé et plus « dans le sens du poil ».
Du coup, je me suis aperçu que, parfois, un bon dév a plus intérêt à ne pas causer, mais à coder son proto et le laisser tester. Donc, la phase blabla ne compte pas…
Cela dépend donc de ses aptitudes et qualités d’orateur en public en ce qui concerne la première phase du bouquin.
Or, elle est incontournable semble t’il…
Je pense que c’est une qualité toute américaine de « vendre », de se vendre, de parler biz… En France, tout le monde n’a pas cette capacité, et je reconnais volontiers cette faiblesse chez moi.
Du coup, très difficile de suivre cette méthode.
Personne dans mon cas?
5 octobre 2011 at 16:46
Hmm, intéressant.
En fait, je ne me suis pas posé la question, puisque dans mon cas, c’est moi qui vais aller voir les clients… et mon CTO va lui s’occuper du proto…
Tu as du coup peut-être raison, ce qui renforce l’idée qu’il vaut mieux être deux pour créer une startup web…
D’autres commentaires ou retours d’expériences là dessus ?
5 octobre 2011 at 19:26
Salut!
Perso j’ai suivi cette méthode sans savoir qu’elle s’intitulait « Customer Development ». C’est en lisant pas mal d’articles, et en ayant des conseils de beaucoup d’entrepreneurs web, qu’on se rend compte que c’est essentiel d’aller vite, et d’avancer avec cette méthodologie.
De notre côté, c’est exactement ça. On a lancé très vite notre version beta, on a testé, on a recueilli les premiers retours utilisateurs, (par chance parmi eu il y avait un gros poisson 😉 ), et là on pivote légèrement. Le concept (ligne rouge de notre service) reste globalement le même, qu’on améliore et auquel on rajoute quelques services annexes, MAIS SURTOUT on change de client. On a enfin (bon ok il a pas encore signé) trouvé qui pouvait/allait payer.
C’est d’ailleurs en lisant un de tes articles Guilhem, et avec les conseils avisés d’un autre mec, que j’avais convaincu mon associé d’aller vite. Très vite. Sans vouloir absolument sortir le produit parfait. (Notamment les articles « Pivot », « Plan-Plan-Plan » et « Minimum Viable Product »).
Niveau Team, on est deux associés, avec au départ plutôt le même profil, mais pas le même tempérament. On s’est quand même récemment (après 8 mois) défini les rôles, Technique / Commercial. Et là ça avance beaucoup + vite. Mais il faut absolument continuer à se faire des réunions RÉGULIÈRES!!! Les décisions stratégiques doivent encore être commune. Notre point fort est la capacité d’écoute et de discussion ensemble, et de toujours trouver un consensus. Toujours prendre soin de différencier engueulade Pro / Perso! Genre on s’engueule à fond sur un sujet brûlant de la boite, mais on boit une bière direct le soir à la cool…
Bref, ça finira bien par marcher!
Bon courage à tous,
A+ Mathieu.
6 octobre 2011 at 12:10
Ca va sans doute paraitre naïf et terriblement simpliste, mais un bon business plan permet déjà d’anticiper tout ça (qui sont mes clients, quel est mon coeur de cible, comment les fidéliser, roadmap sur le cycle de vie de mes services/produits, etc…)?
6 octobre 2011 at 22:06
Les démarches Lean Start Up et Customer Developpement remettent ça en cause justement. Pour caricaturer :
Avant : on écrit un business plan, ensuite on discute avec le client et on test
Maintenant : on discute avec le client, on teste de suite, on itère au maximum et quand on a trouvé la formule qui fonctionne on peut à la limite écrire un business plan pour passer à l’étape suivante et accélérer
24 novembre 2012 at 1:56
Tout à fait d’accord avec Mathieu de Learniz!
C’est en préparant un projet dans la location d’hébergement en CtoC qu’on est parti à la rencontre de loueurs de meublés pro, de particuliers, de gestionnaires comme Kigo qu’on a pu « prendre la température » et prendre la douche froide avec les loueurs pro (concurrence directe et clients à la fois), puis douche chaude et agréable avec Kigo.
On a fait cela avant développer la structure du site.
On a décidé de suspendre le projet, mais au moins on a pas perdu de temps sur le développement d’un proto; on a juste fait un landing page pour afficher une crédibilité et reprendre le projet si ca nous motive.
6 octobre 2011 at 15:47
Le prototypage a sans doute toujours été un élément fondamental, sauf que jusqu’à il y a peu, prototyper coûtait beaucoup trop cher, en particulier pour les startups en mal de fonds propres.
Le développement à grande vitesse de solutions numériques matures purement en ligne a rendu possible de tels prototypages ancrés à un site internet. On a pu passer de projets lourds et coûteux qui s’ils échouaient marquaient l’arrêt de mort des startups, à des développement « quick & dirty » (méthodes agiles diront les puristes…), ultra-rapides et (d’expérience) 5 à 10 fois moins coûteux que les projets développés à la « vieille sauce ».
Du coût, le prototype est bâti sur un SI de gestion complet à bas coût (une offre ERP comme Entreprise Facile par exemple commence à 15 euro / mois et peut se connecter assez facilement aux modules prototypes de votre produit) et peut aller à la rencontre de ses premiers clients ce qui donne une « étude » marketing en dimension réelle qui correspond exactement à votre idée de produit dans vos conditions.
Les services numériques en ligne ayant en plus pour la plupart la caractéristique d’avoir un coût lié à la consommation (le « on-demand »), la croissance est plus facile à gérer, comme l’évolution itérative jusqu’à une version du produit pouvant être lancé à plus grande échelle.
Seul obstacle à tout cela : le faible niveau voire trop souvent l’absence d’une culture numérique satisfaisante. Les règles de l’économie numérique ne sont pas pour la plupart les même règles de l’économie classique. Une mise à niveau s’impose pour les dirigeants !
6 octobre 2011 at 17:46
Yep!
Juste pour dire, à l’occasion de la mort de Steve Jobs – RIP, man – que pour lui, il fallait faire l’inverse : le client ne sait ce qu’il veut que lorsqu’il est trop tard pour le faire!
Du coup, crée d’abord!
Il devait pas être très Customer Development, Steve… Mais bon, lui, c’est pas pareil, c’était du génie…
12 octobre 2011 at 15:21
Hey !
Merci encore pour ce billet.
J’ai essayé, j’adopte, c’est la bonne méthode – pour nous.
Nous sommes 4 associés (2 ingé + 2 biz) ce qui fait un bon équilibre.
Ce qui drôle, c’est que nous n’avons pas du tout la même vision/définition du « Minimum Viable Product » !
14 octobre 2011 at 15:20
Salut Guilhem ! Penses tu que cette méthode peut valoir pour des projets qui ne sont pas techno (i.e. mode!) – en effet le client est plus dans l’attente d’un produit fini, qu’on lui raconte une histoire avec une collection … Comment adapter cette approche?
14 octobre 2011 at 15:24
Grave !
Possibilité d’adapter en faisant une première collection type, et en cherchant les 5 premiers clients. Ne pas hésiter à poser toutes les hypothèses sur le papier en mode « executive summary science-fiction » (c’est-à-dire en mettant ce que l’on croit a priori), puis ensuite on teste, on modifie, on refait, on réévalue les résultats… avant d’engager les dépenses de comm’ ou les grosses commandes…
15 octobre 2011 at 18:00
Je suis base dans la Silicon valley et je vois tout un tas de start up avoir des trajectoires differents. Si on parle Apple, il faut regarder ce qu’ils faisaient a leur debut, on est pas loin du customer development.
La majorite des start up de type web utilisent cette methaode, car la barriere d’entree est tres basse, il faut assu aller vite et bruler le moins de cache. A ce sujet regardez le nombre de competiteurs de Dropbox!
Je suis un marketeur et je pense qu’il faut identier le « pain », le « gain » et defendre son « claim ».
Pas besoin de long business plans, juste du bon sens et un valeure pour le client final tres forte. Les VC (ils ont raison) vont vous demander votre « unfair competitive advantage », pouquoi ? Tout simplement si tout le monde peut faire ce que vous faites, avec plus de ressources ils vout mettront hors course.
Il faut segmenter son marche et pas prendre chaque feedback de client comme tel.
Le development doit etre tres proche du marche, si vous avez un dieu du marketing, vous pouvez faire un development classique, en general (verifie dans les faits, regardez google, facebook) les companies sont demaree par de ingenieurs qui ne savent pas ce qu’est un client, marche, revenue et profit, donc le customer development vai atre imperatif.
desole pour le franglais, je dois amelioere mon francais…