L’une des questions qui revient souvent dans les divers jurys auxquels je participe est celle de la « scalability », comprenez la capacité pour une jeune entreprise de grossir facilement, ou en tout cas avec des coûts maîtrisés, et d’être capable de reproduire son modèle. Certains parleront même d’industrialisation.
Question pertinente côté investisseurs, mais aussi pour les entrepreneurs : si tous les créateurs ne se lancent pas pour faire une « grosse » entreprise, la plupart y songent tout de même et pour certains c’est même l’une des seules façons de se faire plaisir à terme.
Mais alors, qu’est-ce que c’est qu’un business « scalable » ? Car finalement, et là est l’enjeu, si on veut pouvoir inscrire un chiffre élevé pour l’année 3 de son compte de résultat prévisionnel (les hypothèses sont conservatrices – haha !), et ce sans passer pour un rigolo, il va bien falloir expliquer comment on grandit…
En réalité, il existe plusieurs « modèles » de croissance, et tous n’ont pas la même propension à pouvoir passer à des échelles de plus en plus grandes. On pourrait citer, parmi les plus courants :
- les modèles de prestation de service, où pour chaque nouvelle prestation il va falloir de la main d’œuvre et éventuellement des locaux ou autres ressources supplémentaires
- les modèles de production, avec des sauts de coûts par palier (mais où, typiquement, « plus = meilleur », mais finalement limités par la capacité à distribuer
- les modèles d’achat-revente, très variabilisés, et qui nonobstant certaines contraintes peuvent rapidement grossir
- les modèles de production de contenus, où une fois atteint la production maximale la seule option est de trouver de nouvelles possibilités de distribution
- les modèles de type software, où une fois l’investissement de départ effectué tout nouvel utilisateur génère un revenu marginal croissant
- les modèles de « brique » logistique, au sens concret ou dans le monde digital, où l’on va fournir un morceau d’un processus, et donc on sera limité par ses coûts fixes et par la taille du marché que l’on sert
- et les modèles de type plateforme, ceux où la « limit is the sky » (ceux-là même que l’on a du mal à voir émerger en France), et qui ne fournissent qu’un cadre, dans lequel d’autres personnes / entreprises vont fournir le contenu
Pour une jeune startup qui voudrait grossir vite et intéresser le plus possible les investisseurs, il sera donc important de savoir bien répondre à cette question de « la mise à échelle », du modèle de croissance de l’entreprise. Et voilà les éléments que l’on regardera tout particulièrement :
- la balance coûts fixes / coûts variables : passé un certain montant d’investissement, l’entreprise est très peu gourmande en coûts fixe
- la capacité à se faire distribuer et à créer des partenariats, pour ne pas assumer entièrement le coût commercial
- l’existence de supports et moyens de communications dont on maîtrise le ROI et qui sont potentiellement variables (adwords, affiliation, paiement à la performance, emailing, co-marketing…)
- la récurrence des achats par les consommateurs (versus ventes en one shot ou modèles générant beaucoup de zapping et où il faut réacquérir constamment les clients)
- la possibilité de faire participer les autres à la production, que ce soit du contenu (on parle beaucoup du crowdsourcing ou de la co-création)
- la viralité intrinsèque du modèle, que ce soit en physique ou en utilisant les médias sociaux ou l’email
- et les méthodes et routines mises en place dans l’entreprise pour permettre aux rouages de bien tourner…
Dans les dernières acquisitions ou tentative d’achat de startups, on a PriceMinister (200M€), SeLoger (620M€ – avorté pour le moment mais le ticket devrait monter) ou encore LeBonCoin (400M€)… Et toutes sont des modèles de plateforme, avec du contenu généré par d’autres personnes… et typiquement des boites qui ont réussi leur paris de passage à l’industrialisation. Même constat si l’on regarde les boites qui sécurisent des levées de fonds : chez Alven, Jaïna, ou Kima.
La course à la taille n’est pas si importante que ça, au fond. Ce que recherchent les investisseurs, ce ne sont pas de GROS business, ce sont des business efficace, qui consomment relativement de moins en moins de ressources pour de plus en plus de chiffre d’affaires, avec une rentabilité qui explose passée une certaine taille critique. Et qui devient de fait une barrière à l’entrée…
(Attention, je grossis le trait volontairement ici, les investisseurs peuvent s’intéresser à des business moyennement scalable et il est possible de créer de grosses entreprises peu scalable)
Et vous, comment vous industrialisez votre modèle ? Comment vous pensez qu’on devient scalable ? Quels éléments sont importants ? Et est-ce si important que ça ? Lâchez vos comm’s 😉
22 septembre 2010 at 12:39
Bonjour,
Ce doit être la mode de ce sujet en ce moment. Plusieurs articles la dessus chez nos confrères anglais et un article vite (et pas super bien) écrit de ma part il y a 2 jours : http://www.petitefabrique.fr/business-scalable-ou-pas
22 septembre 2010 at 14:07
Pour les plateforme c’est effectivement difficile de percer en France car le marché final se limite à 35 millions d’internautes… et qu’il y a toujours de la concurrence.
En ce qui concerne aladom, nous avons de nombreux concurrents car le secteur des services à la personne attire du monde. Pour sortir du lot, il n’y a alors pas d’autres choix que de communiquer et c’est ce qui coûte le plus cher pour une start-up.
Ce qui a fait le succès de Priceminister, du Boncoin et de seloger c’est bien l’argent qu’ils ont dépensé en communication. Mais pour 3 succès, combien y a t il d’échecs. Combien de sociétés ont investis massivement en com pour mettre au final la clé sous la porte?