SmartAngels – questions autour du CrowdFunding

Le fondateur de SmartAngels, Benoit Bazzocchi, a réagi hier à la mention de son entreprise dans les lignes de ma petite chronique « Startup Quick News ». Je vous conseille vivement la lecture de ce commentaire, qui est en soi une vraie belle explication du modèle et du positionnement d’une entreprise de place de marché de type « crowdfunding« .

SmartAngels – plateforme de CrowdFunding pour startups

 

Je pense avoir fait une erreur en publiant le post précédent, celle d’avoir voulu faire passer dans un style court, et forcément agressif pour être efficace, des réflexions qui aspiraient et demander à plus de pédagogie et d’explications. Les Quick News sont une excellente manière de relayer des infos concrètes et de mettre en lumière quelques belles initiatives. Mais pas d’avoir une approche pédagogique.

Je prends donc le temps aujourd’hui de répondre au commentaire, d’expliquer plus tranquillement mon point de vue, et de lancer le débat ici dans les commentaires, et ce d’autant plus volontiers que j’ai toujours pensé ce blog comme un lieu d’échanges, de partage, a priori positif hors coups de gueules de mauvaise foi de temps à autres… et que je me suis assis sur les bancs de la même école avec Benoît.

Bref, Benoît a raison quand il s’étonne de propos tels que les miens hier – c’est donc que j’ai merdé quelque part et heureusement que les commentaires sont là pour m’avertir quand c’est le cas :). Ceci dit, en substance, je crois avoir quand même mis le doigt sur quelques points, auxquels je propose de répondre en creusant un peu plus ici.

  • mes remarques étaient empreintes de préjugés négatifs : c’est vrai. Le style des quick news n’appelant pas à la modération, c’est ce qui ressort. C’est aussi d’ailleurs ce que je pense, mais de manière plus modérée : avec le temps, une plateforme devrait s’installer de manière durable, je pense juste que l’équation économique n’est pas encore la bonne. J’aurais dû être plus équilibré, en saluant le boulot fait, en souhaitant bonne chance, et en espérant, pour le bien de l’écosystème, que cette version soit la bonne !
  • sur le mépris, si c’est ressenti ainsi, c’est dommage. Mes questions rhétoriques étaient certes orientées mais en aucun cas définitives ou méprisantes. Ce sont les questions que l’on se pose dans les milieux de l’investissement et des startups de toute manière,parfois de façon encore plus crue. Dommage pour moi qu’un post vienne ternir la perception chez vous de ma vision de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat, mais voilà qui me rebooste pour continuer à être positif, pousser l’écosystème, encourager les entrepreneurs à persévérer et ceux qui ne se sont pas encore lancés à le faire. Loin de moi l’idée de cracher dans la soupe, mais parfois un bon débat fait grandir tout le monde.
  • sur la « segmentation » des entrepreneurs et des investisseurs, je pense avoir à la fois raison et tord. Raison car je pense en effet que sur les premiers tours d’amorçage, les startups les plus avancées n’ont pas vraiment besoin d’accompagnement ou d’intermédiation. Tord car si l’on veut faire grandir l’écosystème, il faut plus de volume : plus de startups qui se lancent, plus d’argent, plus d’investisseurs, plus de dév qui vont dans les startup, plus de startups qui se crashent, plus de cadavres sur lesquels construire de belles victoires. Et donc à un moment, il faudra savoir gérer cet afflux de personnes, ne serait-ce que pour que le système soit efficace dans son ensemble. Le mouvement de concentration des outils et des formalismes de la part des « clubs » de business angels, les AngelList et autres Gust, en sont une bonne illustration.
  • Côté investisseurs, c’est vrai, ils défiscalisent quasiment tous, mais il y a une différence entre s’impliquer auprès des entrepreneurs (en voyant ça comme un loisir, une aventure, et tout) et le fait de placer (en défiscalisant et diversifiant son patrimoine – à ce moment-là ça me semble la principale et première motivation) sur des projets « à distance » comme je peux le faire sur Kiva lorsque je prête 25 dollars à un projet en Indonésie. Le jugement de valeur était peut-être de trop (j’ai une vision romantique de l’entrepreneuriat), il reste quand même le constat, mais je veux bien être pris en défaut sur ce point, ça prouverait au moins que l’éducation des néo-business-angels est en marche, et dans le bon sens :)
  • Si je semble aujourd’hui pessimiste, c’est aussi que j’ai fait tourner les chiffres dans ma tête. Les plateformes de crowdfunding vivant des commissions réalisées lors des levées (et souvent sur les montants directement amenées par elles, donc pas la totalité du montant finalement levé), et si on estime à 10% (ce qui me paraît gros) le montant de la commission, je ne suis pas persuadé que le marché soit au rendez-vous, encore. Vu qu’il doit y avoir 500 levées dans l’année en premier tour, pour 200K de moyenne (statistiques pas fiables, mais on ne doit pas être loin du compte), on serait sur un marché total de 10 millions, avec je pense bien 50% qui se fera de toute manière de gré à gré, et le reste à terme sur des plateformes. J’aime en tout cas beaucoup l’approche de Benoît qui mentionne en effet tous ceux qui n’investissent pas encore dans des startups. J’imagine d’ailleurs que les liens avec conseils en patrimoine et gestionnaires de « fortunes » sont engagés, auquel cas le positionnement se tient bien. Il va falloir quand même être sacrément performant et avoir du volume pour que ça tourne bien.

 

  • Ensuite, il y a la question du type de relation que l’entrepreneur souhaite avec ses investisseurs. J’ai quand même du mal à me dire qu’une partie de ma boîte – même en situation de crise économique – est aux mains d’un monsieur-tout-le-monde qui pilote ça de loin. On reboucle là aussi sur la question de la hiérarchie des investisseurs, et même si trouver monsieur Superman est difficile, beaucoup d’investisseurs vont au-delà de la simple possession de capital, s’impliquent (hors opérationnel), font des introductions réseau, apporte leur renommée, facilite une levée plus importante, transmettent de l’expérience. J’ai encore envie d’aspirer à cette vision, je crois.

 

  • Qu’on soit très clair, enfin : je rêve d’un monde où n’importe qui pourrait mettre ses idées et ses réalisations sur un site, trouver les premiers financement, tester des choses, se lancer. Comme Benoît le dit dans son commentaire-article :) c’est un secteur balbutiant, et j’espère bien qu’il deviendra ado rapidement ! Je lui souhaite vraiment bonne chance pour cela et j’espère que la mise en lumière de SmartAngels dans ces quelques lignes – même avec quelques réserves ou questions – aidera à aller dans ce sens !

Evidemment, je n’ai pas toutes les réponses, et il peut m’arriver de me tromper. Donc le mieux, c’est que si vous êtes arrivé(e)s jusqu’au bout de cet article, c’est de commenter et de donner votre avis :)

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  1. Le « crowdfunding » c’est en quelque sorte un appel public à l’épargne même s’il n’est pas fait de campagne promotionnelle pour lever les fonds. C’est nécessairement régulé (cf. le débat juridique aux USA en novembre et la nouvelle réglementation mise en place) et l’autorité compétente en la matière ici c’est l’Autorité des marchés financiers. Les réseaux d’épargne de proximité (les cigales, …), les clubs de « love money » et autres clubs d’investissement ont été autant d’initiatives pour permettre un accès au capital aux TPE, PME, en création ou en développement. Ce secteur « balbutie » depuis toujours 😉 A l’heure où les banques et l’industrie du capital investissement ont du mal à investir ce mode de financement et d’accès au capital est potentiellement appelé à se développer pas nécessairement dans le monde des start up mais plus globalement dans celui des entreprises même de taille intermédiaire (cf. les ETI en manque de capitaux pour se développer à l’international.).

  2. Bonjour,
    merci pour le sujet

    Je suis convaincu que le financement participatif tout comme la conso collaborative (je fais un parallèle, vous m’excuserez) est une des grandes tendances du XXIe siècle, surtout j’y vois un atout pour bâtir une société meilleure, notamment de meilleurs relations, plus de partage et de respects entre les artistes et leur public.
    En clair, c’est s’engager dans un mouvement qui nous dépasse peut-être, mais qui favorisera aussi une meilleure consommation..
    Comme je dis souvent (je me suis spécialisé dans les solutions de partage et de financement de la création)
    Tous les nouveaux usages, que cela soit le crowdfunding ou les communautés collaboratives et créatives ( Flattr, Kachingle) sont encore très loin d’être adoptés par le grand public. Il en résulte des tailles de marché très réduites et une rentabilité incertaine. Ainsi, Si vous voulez être certain de gagner de l’argent, misez sur une hausse du prix du pétrole ou acheter de l’or. Si vous voulez par contre vous positionner sur des usages avant-gardistes et véhiculer une image d’innovateur, tournez-vous plus tôt vers ces usages prometteurs (tout en maîtrisant l’investissement initial et les coûts d’exploitation) et là… je vous conseille souvent d’être très patient)….

    J’espère avoir été assez clair…

    Nicolas

  3. Bonjour,

    Bon article !

    @+ wilfrid

    • Merci… et bravo pour le site, pas de crise sur ce secteur d’activité je pense ;p

      • Merci,

        Nous sommes en train de le développer. L’idée est partie de la livraison d’apéros à domicile. A la réflexion nous souhaitons partir sur la livraison à domicile et c’est en ce sens que j’écris un BP…

        D’ailleurs merci pour toutes les infos que tu mets sur ton site.

        4% de la vente d’alcool se fait sur le net. Je pense que nous avons une place à prendre.

        @+

  4. Merci pour cette analyse Guilhem.

    Il semble en effet, que, contrairement à hier, tu avances des arguments valables. Pour avoir étudié ce secteur depuis quelques années, il apparaît que le modèle viable et performant n’est pas facile à trouver.

    Cependant, et ce doit être aussi la motivation de Benoît, à terme il est évident que des acteurs se demarqueront et qu’on arrivera à desintermédiation et automatisation du secteur via des plateformes.

    J’ai personellement travailler dans le Private Equity au sens large et une approche qui pourrait être viable, serait d’élargir l’offre, non seulement aux Angels mais aussi aux fonds institutionels pour élargir le marché.

    Ce type de plateformes serait un appel d’air pour l’entrepreuriat, qui en as, surtout en France, bien besoin. Je souhaite donc tout de bon à Benoît.

  5. Bonjour à tous, si le sujet du crowdfunding et de la finance participative vous intéresse, je vous invite vivement à nous rejoindre au Palais Brongniart à Paris le 26 mars, autour d’un évènement coorganisé par plus de 70 acteurs du secteur, avocats, responsables de plateformes, organisations… Nous souhaitons à cette occasion sensibiliser journalistes, politiques, citoyens engagés aux problématiques des nouvelles plateformes de financement participatif qui permettent à chacun de donner, prêter, investir en choisissant librement la destination de son épargne, et les projets qu’il souhaite soutenir. Nous présenterons à l’occasion de ce rendez-vous un manifeste que nous avons élaboré ensemble, visant à
    construire un nouveau cadre règlementaire pour favoriser ces nouveaux modes de financement (je peux transmettre ce manifeste aux personnes intéressées).
    Toutes les informations sur l’évènement, comprenant le lien pour s’inscrire, sont ici : http://financeparticipative.eventbrite.com/, sinon, si vous souhaitez que je vous envoie une invitation, contactez moi sur mon e-mail. N’hésitez pas à transmettre l’information a toutes les personnes que vous connaissez susceptibles d’être intéressées par notre cause.
    Très cordialement
    Hortense Garand
    Fondatrice de babeldoor.com, plateforme de financement participative et solidaire de projets.

  6. Je suis globalement d’accord avec Guilhem. Aujourd’hui il y a trois manières de lever :

    1) soit tu te fais sourcer par un VC qui est à l’affût de pépites.
    2) soit tu es bien connecté avec des BA (love money familial, incubateur, BA associés à une grande école, accélérateurs)
    3) soit tu passes par des leveurs de fonds qui prennent une commission pour te faire un joli PPT et t’envoient voir des fonds auxquels tu peux avoir accès en déposant directement ton dossier sur leurs sites…

    La valeur ajoutée des leveurs de fonds est faible, ils n’ont pas une très bonne réputation auprès des BA et des VC. Smartangels n’a pas grand-chose à proposer si ce n’est faire miroiter une levée à des start-ups n’ayant pas suffisamment confiance en elles pour aller voir un VC en personne au cours d’un Start-up Weekend, d’un Seedcamp, d’un 3DS ou en grattant des contacts sur Linkedin.

    La ou Smartangels a raison en revanche, c’est l’immense potentiel représenté par les riches et potentiels investisseurs : aujourd’hui, ce n’est pas un réflexe de devenir BA. Des gens intéressés par l’investissement dans des entreprises font confiance aux fonds de fonds fonds proposés par leurs banquiers! Ces gens-là doivent être sensibilisés car même s’ils seront des BA peu actifs, voire inutiles, leur capital peut aider des start-ups.
    Si Smartnagels arrive à convertir ces gens-là, alors là j’applaudis. Mais je reste sceptique.

    • Bonjour Antoine,

      J’ai une bonne nouvelle: Anaxago.com s’est lancé le défi de rendre l’accès au capital risque accessible à un plus grand nombre! L’Angleterre compte 10 fois plus de business angels que la France pour un marché comparable. J’espère que cette innovation poussera un plus grand nombre à franchir le pas vers l’entrepreneuriat.

      Anaxago est une plateforme permettant de rapprocher jeunes entreprises innovantes à la recherche de fonds avec des investisseurs particuliers qui souhaitent participer activement à leur développement.

  7. Bonjour,
    En passant, je vous signale le lancement de mon guide sur le crowdfunding

    on se retrouve sur mon blog

    Nicolas

  8. Bonjour Guilhem,

    Bravo pour ce blog et pour cet article sur le crowdfunding.
    Je partage l’avis de Nicolas Dehorter : il faut laisser du temps pour que les modèles s’affinent ! Par ailleurs, à la conclusion de l’article que j’ai écrit dans mon blog sur ce sujet du crowdfunding, où je cite votre article d’ailleurs ;o), je dis que je crois en une tendance qui est le raccourcissement de la distance entre le producteur et le consommateur.
    J’en veux pour preuve les succès rencontrés par ces « fermes » du type Gally à Paris où les gens vont cueillir eux-mêmes leurs légumes. Cette anecdote n’est pas si anecdotique que cela car le web 2.0, la notion de communauté, de relation privilégiée que le consommateur veut entretenir avec le producteur, sont des briques qui construisent le mur du crowdfunding.

    A citer aussi, le lien Scoop It de Karine Durand-Garçon http://www.scoop.it/t/crowd-sourcing-etc, dédié au crowdfunding !

    A bientôt et encore merci pour cet article

    Olivier aka cOOdil

  9. Je vous signale l’existence de la plateforme http://www.vozidees.com dont la partie financement en ligne a été ouverte depuis 2 semaines. Le but de la plateforme est d’aider des porteurs d’idées et de projets en les mettant d’abord en relation avec des accompagnateurs afin de mûrir les choses. Le financement participatif est la dernière étape vers la concrétisation.

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