A propos de la « castration »…

Beaucoup de réactions suite à mon dernier billet interrogeant cette petite communauté sur l’incohérence qu’il m’avait semblé déceler (sans pour autant porter un jugement trop sévère, je constatais et lançais la discussion – tout au plus) dans les schémas et attentes d’investissement des deux grandes classes d’acteurs (même si d’autres, Super-angels et Micro-VC comblent les manques) que l’on retrouve en France.

Je réponds ici aux différents commentaires, mails et discussions orales qui s’en s’ont ensuivies (belle allitération en « s »), puisque mon post ne me satisfait pas : par manque de temps, je n’ai pas assez mis d’ordre et de logique dans mes propos, et j’ai l’impression que tout le monde a un peu compris différemment du voisin, c’est embêtant… :)

Voilà donc qui devrait (re)mettre un peu plus d’ordre dans le fil (décousu) de mon discours :)

  • Mon propos essayait plus de montrer l’incohérence des premiers paliers d’investissement, pas tellement des VC que je trouve dans l’ensemble bien positionnés – même si le glissement actuel vers plus d’amorçage pur peut poser des questions.

 

  • Je critiquais (soft, hein, moi aussi je veux lever des fonds bientôt, hé !) plus certains types de BA qui eux, en revanchent, attendent encore qu’une boite *web* fasse du chiffre et ait un modèle prouvé avant de mettre 50 ou 100K€. Ce qui est un non-sens pour moi, puisque justement c’est le premier tour qui doit permettre de sécuriser une équipe de 3-4 mecs pour pondre un produit en phase avec un marché, en 12 à 18 mois environ. C’est la phase où il faut rester ambitieux et affiner sa vision d’un marché gros, grand, large, tous les qualificatifs que tu veux, mais qui doit derrière mettre une boite dans les bonnes conditions pour trouver les ressources dont elle aura besoin pour grandir, c’est-à-dire avec : une vision, un proto/alpha/beta, un début de traction, un plan d’actions, et surtout une équipe qui a faim.

 

  • Or l’attente – par les investisseurs en amorçage – de « machines » rentables à taille réduite, toujours sur le *web* je précise, fait que les entrepreneurs, devant les rejets des investisseurs devant des projets sans business-model court terme, sont pragmatiques : ils affinent leur approche pour coller aux attentes des BA – pas fous ! Et cela modifie complètement la dynamique et la portée potentielle du projet. Difficile d’avoir ensuite une vision ample et ambitieuse lorsque l’on a passé 6, 9 voire 12 mois à trouver un premier client pour prouver qu’il y a une attente du marché (même si ça reste une excellente preuve et qu’il ne faut surtout pas se cacher derrière son PC). Que cela devienne l’unique obsession n’est pas nécessaire à ce stade. Alors que justement, l’argent du premier tour donne les moyens de trouver son marché et de se mettre en situation d’accélérer.

 

  • Je n’ai rien contre le fait  que certains BA (c’est leur argent, ils ont *vraiment* le droit de le mettre où ça leur fait plaisir, les motive, les fait vibrer, ou tout simplement dans ce qu’ils comprennent) recherchent des business déjà rentables. Mais ils devraient alors ne même pas prêter attention à tout un tas de business web, tout le monde gagnerait du temps. Il reste plein de projets de commerces, d’ouvertures de franchises, de boites de services, de vente-revente de biens, … dont le profil de risque correspond à leurs attentes, restent défiscalisables, et pâtissent d’un manque

 

  • Evidemment, de nombreuses boîtes web reçoivent un premier tour de financement, et « keep playing » (ce qui est bien le plus important). Sauf qu’elles ne ressortent pas totalement indemnes du processus. Combien ai-je vu d’équipes, super ambitieuses et compétentes, portant des projets visionnaires, ressortir avec une motivation écornée et une vision revue à la baisse de ce processus lourd, long, fatiguant, moralement difficile qu’est une levée de premier tour ? Est-ce bien normal ?

 

  • Et évidemment, les VC font leur boulot derrière. Ils sont dans leur « job » lorsqu’ils expliquent, plutôt franchement d’ailleurs il faut le reconnaître, qu’ils recherchent des équipes complètes, avec un proto, de premiers résultats commerciaux, encore une belle vision et surtout un placement sur un marché de plusieurs centaines de millions de dollars/d’euros… Les candidats qui conviennent alors encore sont peu nombreux à avoir survécu, dans ces exactes conditions, aux tours précédents. That’s my point.

 

  • Et oui, j’y suis allé fort avec le thème, la photo et le terme de castration. Mais hé, c’est ça le blogging :p

:)

Allez, c’est reparti pour les commentaires !

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  1. Hello Guilhem!

    Je me permets de partager mon point de vue. Pas de lynchage, ça reste mon avis!:)

    Je suis contre le fait d’aller chercher des fonds tant que l’on a pas un produit à peu près fonctionnel.

    Un des avantages du Web c’est d’être capable de sortir un produit en ayant peu de ressources financières.

    Vu qu’on parle régulièrement des startups web US, on voit bien souvent que les fondateurs ont déjà un prototype fonctionnel avant de lever des fonds.

    De plus ça montre la cohésion de l’équipe et la vision des fondateurs tout en rassurant les futurs investisseurs de l’optimisation des fonds levés. Savoir faire beaucoup avec peu de moyens, ça démontre de grandes compétences.

    En tout cas là où je suis à 100% d’accord avec toi, c’est qu’en amorçage on ne peut pas demander à une Web startup qu’elle fasse du chiffre et encore moins qu’elle soit rentable. A ce niveau, il faut être prêt à investir sur l’équipe (qui a déjà prouvé qu’elle était capable) et sur la solution proposée.

    C’est bon j’ai mis mon casque, je suis prêt! :)

  2. Je suis complètement d’accord avec vos points de vue qui ne sont pas incompatibles: on peut très bien mettre sur pied un proto en 1-2mois selon la complexité, dont on sait très bien qu’on jettera le code à la poubelle une fois l’argent levé, dans le but de démontrer sa motivation aux investisseurs.

  3. Autre possibilité pour l’amorçage d’une start-up à 3-4 personnes : mettre soi-même au pot. On s’endette pour faire ses études, pourquoi ne pas le faire aussi pour monter sa boîte, surtout si l’on est convaincu du succès futur ? (25K€ par personne, c’est le coût d’une école de commerce…)

    Ca permet de commencer sans avoir besoin de BA, mais c’est aussi un signal positif d’implication forte lancé aux investisseurs early-stage au cas où il faudrait compléter.

  4. 100% d’accord avec les propos du 1er post !
    On nous demande des premiers contrats, de la traction avant même d’avoir lancé notre service. C’est fort… Heureusement il reste des investisseurs plus « courageux ».

    Mais dans l’ensemble je comprends mieux pourquoi nous ne sommes pas du tout près à lancer des géants mondiaux du web depuis la France, en tout cas dans les domaines à risque comme le social.

  5. C’est tout à fait ce qui est ressortie de notre rencontre avec différents BA à Leweb : faite tourner votre produit et revenez nous voir c’est trés interresant :)

    – J’ai besoin de cette argent d’amorcage aujourd’hui pour démarrer et faire tourner mon produit et non pas demain.

    – si j’arrive a faire tourner mon modèle sans vous pourquoi venir vous voir ensuite ?

    Je respecte tout à fait ce que tu as dit libre aux BA d’utiliser leur argent comme ils le souhaitent ils leurs appartient.

    Je pense que c’est une mentalité typiquement française axé rentabilité / chiffre et non produit.

    Cette analyse m’a marqué à Leweb justement ou on a vu passer Deezer sur scène et puis Spotify.

    Le premier n’a parlé que de rentabilité, expansion ect… ( C’est une chose trés important attention mais differente.)

    Le second n’a parlé que Produit ( création d’une radio intélligente, ouverture de l’API aux tiers … )

    Pas de généralité mais on peut mieux faire.

    • En amorçage on ne peut pas parler rentabilité immédiate mais uniquement potentiel. La rentabilité viendra par la suite. Peut être même après l’exit des premiers investisseurs.
      Comme je le disais avant, je suis entièrement d’accord qu’on ne peut pas demander à la startup d’être rentable avant de lever des fonds.
      Par contre l’entrepreneur ne doit pas non plus demander aux investisseurs d’investir sur une valo démesurée.
      Plus on investit tôt dans la vie d’une entreprise plus le risque est élevé. Si en plus on part sur une valo surévaluée, c’est même plus viable.
      Il faut que tout le monde soit gagnant:)

  6. Rem : « non-sens » et pas « nom sens » (puce 2 du post)

    😉

  7. Merci Franck !

  8. Même si je suis en cours de recherche de fond, je ne peux pas jeter la pierre aux BA.
    Qui est capable de mettre plusieurs dizaine, voir centaine de K€ rien que sur la parole de 3 poilus et 2 tondus. OK dans le lot il y a surement 2 génies, une mignonne, une bonne tête et 1 serial sales. Mais bon cela ne suffit pas pour donner envie.
    c’est pour cette raison que beaucoup de BA pensent qu’il faut investir en Amorçage/Dev (lorsque la maquette est là et que vous rencontrez votre marché), même s’il est vrai que l’on a plus besoin de Pré-amorçage/Amorçage dans la majorité des cas. Que voulez vous c’est la vie.
    On parle des BA, mais si on parlait des politiques qui ne donnent pas très envie aux investisseurs de venir vers ces jeunes pousses françaises…!!!

  9. Allez parler à des investisseurs en France d’un Business viable qu’à condition d’attirer une très forte communauté (publicité, affiliation) et vous ne recevrez que des portes fermées à moins d’atteindre un objectif d’utilisateurs qui requiert des fonds pour être atteint, pour « continuer à jouer » comme le dit très bien Guilhem.

    J’ai des amis aux USA qui arrivent à lever quelques 100K $ « pour voir », ici c’est devenu vraiment impossible. Ca veut dire quoi? Que facebook et twitter n’auraient pas été financés en France, et à moindre échelle c’est encore plus vrai…

    En France on n’a pas de pétrole mais on a des idées. Le problème c’est que les idées elles foutent le camp là où il y a du « pétrole », c’est à dire des dollars en Seed.

  10. C’est vrai qu’il est difficile de lever des fonds en France ( mais pas impossible heureusement!).

    Je me permets un petit coup de gueule au passage :)

    Je vois certains entrepreneurs fixés sur la 1ere levée de fonds et la valorisation de leur startup sans vraiment se rendre compte de l’importance pour un investisseur de ne pas rentrer sur une valo farfelue. Sinon entre le peu de capital acquis par rapport au montant investi et les dilutions (il faut même parfois batailler pour avoir des clauses d’anti-dilutions!) au fil de prochaines levées de fonds, autant s’amuser à la roulette russe avec le barillet plein.

    Comme dans toute négociation, regardez du point de vue de l’investisseur et voyez plus loin que la première levée de fonds.

    Voilà! J’ai fini ma minute « grosse colère »:)

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