Etant bientôt conférencier au salon des micro-entreprises, j’ai eu la chance de participer à un petit-déjeuner avec deux autres conférenciers, spécialistes de l’identité des marques… abordée bien évidemment sous l’angle startup.
Petit portrait des deux loustics en question : Gérard Caron est l’un des fondateur de l’agence Carré Noir et surtout un pape du design de logos, entre autres (il en a plus de 1200 au compteur, avec des packaging, des concepts de magasins, etc.) celui du RPR et de François Mitterand
Il partageait la vedette avec Marcel Boton, le fondateur de l’agence Nomen, dont le métier est de trouver des noms d’entreprise ou de produits. Il a notamment officié pour faire naître les noms de Vivendi, Pôle Emploi, la Clio, Logan, Safran ou encore Vélib…
Bref, de l’expérience autour de la table pour parler de ce qui est, bien souvent, l’un des premiers actes fondateurs de l’entreprise et aussi une source d’arrachage de cheveux…
Au commencement était le verbe
Pour avoir dirigé pendant trois années l’incubateur d’HEC, et avoir vu surtout passer quelque chose comme 1500 startups, je crois que j’ai vu passer un peu de tout niveau nom et logo de boîte, et de ça est née une intuition assez forte : lorsque le nom est « bien trouvé », c’est que l’équipe et le projet doivent être un peu plus intéressants que le dossier d’à-côté, qui lui n’a que vaguement un nom de code.
Et Marcel Boton d’enfoncer le clou : « ce qui n’a pas de nom n’existe pas ». Voilà qui plaide à la recherche un peu plus active de votre nom dès le début de votre aventure.
Comment le trouver, ce nom ?
Le secret ici est de ne pas vouloir trouver 1 nom – le nom parfait – mais une liste de noms qui pourraient convenir, au risque d’être déçu au moment où l’on se rendra compte que le nom est… déjà pris… Voici les qualités que le « bon » nom doit réunir :
- être un peu improbable, ne pas être trop lisse, voire même déranger un peu, interpeller
- ne pas décrire trop directement votre activité, ce qui serait un risque en cas de changement d’activité, déjà, mais aussi ce qui ne donnerait pas assez d’oxygène à votre projet pour montrer votre ambition
- être mémorisable
- s’appuyer sur les valeurs de l’entreprise et des créateurs, pour que le nom ressemble à l’entreprise mais aussi, inversement, que le nom amène les équipes à modeler l’entreprise
- chercher à fuir les modes, puisque fatalement, la mode se démode ; et encore plus, pour les projets web, chercher à fuir les « millésimes » qui font une année préférer les « OO », puis les mots avec un « K », puis ceux se terminant en « EO » ou jouant sur les extensions de domaines « .ST » ou « .LY »…
- éventuellement, raconter une (ou plusieurs) histoire(s), que l’on choisira ou non de raconter au plus grand nombre (si vous avez déjà lancé, je suis sûr qu’on vous a déjà demandé – et souvent très tôt dans la conversation – « pourquoi ce nom ? »)
- et bien sûr que le nom soit libre comme marque dans les bonnes classes, éventuellement comme nom de domaine (ou faire preuve de patience), qu’il ne soit pas trop encombré au niveau du nombre des résultats dans les moteurs de recherche, et qu’il ne signifie pas une insulte dans une autre langue…
Plusieurs techniques, complémentaires, existent pour générer la créativité : lister les mots-clés liés à son business ou que l’on apprécie, faire un brainstorming entre amis, se développer un petit générateur de mots, … mais je suis sûr que vous en avez déjà testé pas mal !
Mettre au point son logo
Une fois le « mot » trouvé, il est temps de passer aux images ! Et encore plus que pour le nom, on va être là dans une phase très arbitraire, puisqu’il faut accepter le risque de départ de figer une entité visuelle sur le nom de son entreprise… et prendre conscience qu’une marque, un logo, a besoin de temps pour entrer dans les esprits et être pleinement acceptée et reconnue.
Pour rappel, un logo, c’est la mise en image de votre nom. Et pour cela, vous aurez à votre disposition : une ou des couleurs (qui ont un sens), une forme (rond, carré, … – qui elle aussi a un sens), la typologie (la forme des lettres – tout un domaine à creuser…) et bien évidemment l’image elle-même si vous décider d’ajouter un symbole.
Quelques conseils à ce stade :
- ne pas trop tester son logo auprès d’autres personnes : plus vous le ferez, moins vous serez sûrs de vous, et la subjectivité de chacun vous donnera trop d’avis divergents. Il vaut mieux accepter le parti pris du designer (si vous assumez le logo) et foncer ensuite !
- comme pour le nom, fuir les formes « à la mode », pour préférer un logo le plus « intemporel » possible
- votre logo doit être porteur de sens, pas totalement lisse, presque a-normal (ie. hors de la norme)
- il est important de regarder ce que vous concurrents font, pour ne pas faire comme eux
- techniquement, votre logo doit être visible aussi bien en petit qu’en grand, en couleur qu’en noir, etc.
- et si possible, ne pas le faire vous-même !
Travailler avec un designer / graphiste
Si vous ne faites pas vous-même votre logo (ce qui est recommandé, pour éviter une projection trop subjective de ce que vous avez en tête dans celui-ci), c’est que vous passez par quelqu’un d’autre. Voici quelques recommandations pour que cela se passe du mieux possible :
- regardez le book du designer pour voir ce qu’il a déjà fait. Ne travaillez qu’avec quelqu’un dont vous sentez que le coup de crayon vous convient et vous ressemble.
- passer du temps physiquement avec lui pour expliquer votre boîte, vos valeurs, votre métier, vos envies, ce que vous n’aimez pas, et lui parler de ce que font vos concurrents
- donnez les grandes lignes : mascotte ou pas, dynamisme, couleurs, …
- puis laissez du temps au designer pour travailler, et revenir avec quelques propositions
- limitez ensuite les allers-retours, ne cherchez pas à mixer deux idées pour partir sur une troisième voie et, encore une fois, acceptez le parti-pris graphique – votre logo va exister sur la durée
Point intéressant sur les implications sur une équipe d’associés…
Le nom et le logo sont peut-être, dans le cas où il y a plusieurs associés, l’une des premières chances de se foutre sur la gueule. Comme tout cela est très subjectif, un désaccord sur l’identité que l’on souhaite donner à son entreprise est très révélateur : c’est plus sur les valeurs, sur les objectifs de l’entreprise, sur ses métiers… que le désaccord porte, se cristallisant ensuite dans les discussions.
Si vous ne savez pas trop si vous pouvez vous associer avec quelqu’un, voilà donc un bon test : mettez-vous autour d’une table et essayez de trouver le nom ou le symbole vous ressemblant le plus… Vous devriez apprendre quelques petites choses…
Un conseil pour passer le cap : l’un des associés doit être le décideur… De toute manière, avec le temps, vous vous habituerez !
Et pour la route, un film tout en logo, Logorama, superbe réalisation du collectif H5 :
22 septembre 2011 at 10:23
Il serait intéressant de publier toutes les idées des noms, puis des logos pour une marque qui est devenue célèbre. D’ailleurs, les marques font de temps à autres des lifting de leurs logos avec plus ou moins de succès (je pense notamment à GAP).
22 septembre 2011 at 11:46
Il est en effet important de s’attarder un peu, même beaucoup, sur ces aspects. C’est dommage de voir trop de bon projets avec des noms qui sont pratiquement des noms de codes et qui ne sont en rien des « marques ».
Au nom et au logo, j’ajouterai le « jingle ». L’identification par le son, réservée aux grands pendant longtemps, est assez sympa sur les supports modernes. Il est vrai que j’ai peut-être une sensibilité particulières pour cet aspect mais je pense qu’il est malheureusement rarement utilisé.
Je mélange tout mais j’en profite : tout à fait d’accord pour dire « l’un des associés doit être le décideur ». Je prêche toujours dans ce sens mais j’ai souvent lu des avis contradictoires. Pourtant, dans une équipe de rugby, dans un bateau ou tout autre chose, il y a UN capitaine ! Il ne saurait en être autrement dans une startup, même entre grands amis.
22 septembre 2011 at 12:59
« Eventuellement que le nom de domaine soit libre », pour moi c’est une évidence surtout pour une startup. Sinon il faudra mettre la main au porte monnaie pour le racheter auprès de son titulaire.
22 septembre 2011 at 14:12
Très bon article,
En pratique nous avons mis près de 6 semaines avant de déposer le nom de notre entreprise, de trouver la tagline qui collait avec notre visons de notre business puis de designer le logo et ainsi établir un début de charte graphique.
Evidemment nous avons fait appel à plusieurs designers (environ une trentaine d’épreuves pour le logo) qui font heureusement parti des associés de l’entreprise. Une vraie économie quand on se concentre sur la génération d’un cashflow suffisant pour faire tourner la boutique.
Au final le logo est simple, dans la lignée de nos concurrents directs, et le principal effort a été fait sur la typographie, un lettrage unique qui renvoie aux valeurs que nous accordons à notre entreprise.
Les pistes de réflexions que vous évoquez sont très pertinentes nous les avons quasiment toutes suivies…
23 septembre 2011 at 0:07
Merci, très bonnne amorce du sujet. Pour la peine je poste pour suivre les autres contributions.
31 janvier 2012 at 21:14
Un bon article sur ce que les enfants pensent des logos. voir ici
23 septembre 2011 at 9:08
Allez un conseil de Patrick : faites appel à un site collaboratif comme je l’ai fait.
Mon expérience sur http://bit.ly/qdAIjg
Cordialement.
Patrick
23 septembre 2011 at 11:44
Bonjour Patrick,
Je me permets de donner suite à votre commentaire car je pense qu’il faut relativiser l’attractivité de telle plateforme de crowdsourcing créatif.
Faire appel au design est un excellent investissement pour son activité, dont il convient de maximiser le retour sur investissement en passant par un professionnel qui pourra apporter conseil et suivi.
Je vous invite à lire l’article suivant, issu du blog de notre entreprise et expliquant plus en détail notre avis sur la question : http://artbe.in/n0xlCn
Bien cordialement.
Romain.
26 septembre 2011 at 10:41
@Patrick et @romain : assez d’accord avec le point de vue de Romain, les créations des sites de crowdsourcing ont tendance à être faites très rapidement, souvent sans prendre trop la peine de réfléchir au sens et aux valeurs de l’entreprise. C’est donc certes commode, rapide, et peu coûteux, mais un peu limité dans le cadre d’une startup à potentiel… Je pense que l’enjeu vaut la peine d’y consacrer quelques centaines d’euros de plus !
23 septembre 2011 at 12:01
Pourquoi « de sa sartup » ?
ces recommandations s’appliquent à quasi tous les domaines … non ?
Par contre, contrairement à ce que dit Patrick dans le commentaire précédent, je ne passerai pas par un site collaboratif, celà me permettra de garder la main sur le graphiste en cas d’évolution à prévoir…
23 septembre 2011 at 17:23
Très intéressant…. concernant le logo il ne faut pas paniquer vous avez tout à fait le droit le faire évoluer voir de radicalement le changer
Toutes les marques le font évoluer, même Google, Nokia ou Microsoft….
25 septembre 2011 at 23:48
Sympa l’article. De mon côté j’ai lu un article pratique sur la réalisation d’un logo gratuitement ou à faible coût.
http://www.id2nom.com/article.php?id=53
En espérant apporter ma pierre à l’édifice!
26 septembre 2011 at 9:57
Je rajouterais, un petit conseil, commencez par des lettres du début de l’alphabet, car bien souvent, dans les expo, salons et autres évènements pro, dans les listing, guide, récap… les participants sont listés par ordre alphabétique, perso je préfère être au début de la liste…
Cdt,
Nicolas
27 septembre 2011 at 15:54
Je suis également passé par cette étape pour la création de Tikalio. J’ai d’ailleurs répertorié plusieurs sites intéressants à visiter pour creuser la question voir ici .
Je ne suis pas tout à fait d’accord sur la question de la validation extérieure. J’ai demandé des avis aux lecteurs de mon blog et certains ont été bien utiles : « ca fait marque de café », « ca me fait penser à Tokyo Hotel » etc.. Le tout, au final, est d’être capable de dire : c’est mon projet et c’est ce logo que là que je « sens bien » et tant pis pour ceux à qui il ne plaisait pas. De toutes façons, un logo ou un nom qui plait à tout le monde risque d’être consensuel et banal.
Le conseil « No Bullshit » de ton article Guilhem est sans conteste celui d’utiliser la création du nom et du logo pour tester son équipe et sa capacité à tirer profit des opinions divergentes.
21 décembre 2011 at 10:43
Très bien comme article, nous avions suivit ce parcours sauf la partie "vie commune" avec le designer :=) Il faut savoir également qu'un "bon designer" a un coût parfois (toujours?) exorbitant et il est parfois intéressant de passer par la case école de graphistes.
21 décembre 2011 at 12:50
La perte de cheveux et le mal de tête voilà ce que je retiens de la recherche d’un nom et c’est toujours le cas pour chaque produit… l’originalité et voyager sur les ailes de l’avion plutôt que d’être en cabine comme tout le monde. Nous avons suivit ce cheminement à l’exception du chapitre « vie commune » avec le designer :=)
Les écoles de graphisme et design sont des sources d’inspiration et bien moins coûteuses qu’un « designer » qui parfois se prend pour Picasso:=)
30 avril 2015 at 11:24
Bonjour Guilhem
au passage bravo pour ton livre rouge qui est mon livre de Chevet depuis qq mois !
Dans ton article tu n’évoques pas l’articulation que doit avoir le nom de l’entreprise et celui du produit commercialisé.
Dans mon cas il s’agit d’édition de logiciel, quelles les règles de base ? les deux noms doivent t-ils similaires dans leurs dénomination ? ou très différents ?
Certains comme Business Objects ont fait le choix d’avoir le même nom.
jerome
27 mai 2015 at 8:32
Hello Jérôme,
Bonne question
A priori, je dirais que c’est un coup de chance que l’on constate a posteriori…
Pas d’obligation pour ce qui me concerne de faire coïncider nom d’entreprise et nom de produit, même si au départ c’est plus simple.
Il y a de grandes chances de toutes manières que le produit (si l’entreprise marche bien) de départ ne soit plus le seul ensuite.
Donc, choisis un nom qui te plaît et qui « respire » suffisamment pour n’être pas trop descriptif, et vois ensuite si ça marche avec le premier produit ou non…