« Give me the argent » – autre perspective

J’ai pas mal réfléchi (ça m’arrive, et du coup j’ai chopé une sinusite) depuis que Laurent Kretz a écrit son premier jet de « Give me the argent« , sur son blog, avant que ce post soit amendé et repris dernièrement sur TechCrunch France. Il y dresse le portrait, à ses yeux, de l’état de l’investissement en France, et notamment concernant les entreprises de Web social.

Il y dit plein de choses très justes, et de toute manière exposer ainsi son point de vue et participer au débat est en soit une bonne chose. C’est sûr que si nous étions encore plus à débattre, on pourrait éduquer les plus jeunes générations, faire entendre la (les) voix des entrepreneurs, peser sur les décisions politiques et réglementaires, bref, faire encore grandir l’écosystème des startups et générer de bien belles réussites d’entreprises, ces fameuses « gazelles » ou « entreprises de taille intermédiaire » dont on manque tant et si cruellement en France.

Ceci dit, il y a pas mal de choses qui méritent d’autres éclairages, et je vais tenter de donner le mien. Voilà quelques points de réflexion, d’échange, de précisions, d’angles de vue, de partage de mes avis personnels. Rien de sentencieux là-dessous, ni d’idées trop arrêtées, disons donc que je réfléchis à voix haute dans les lignes suivantes. A vous de participer au débat ensuite si le coeur vous en dit !

  • « Il est dur de trouver les fonds pour se financer ». Encore heureux, j’ai envie de dire. Ça pousse à faire des efforts, à améliorer son projet, à se remettre en question… C’est dur parce que la dureté elle-même du process est gage de meilleure réussite du projet.
    Au final, quoi : 1 entreprise sur 10 qui voulait lever des fonds y parvient ? 1 sur 20 ? 1 sur 5 ? Je n’ai pas ce chiffre en ma possession, mais il serait intéressant de l’avoir, ça permettrait de comparer. J’estime en gros qu’un millier de startups font une levée business-angels de plus de 50K€ par an… En tout cas, la plupart des bons projets que j’ai croisé ont trouvé, parfois très peu avancés. Et aussi quelques uns dans lesquels je n’aurais pas mis un kopek, preuve que c’est possible de lever. Bref, sujet à suivre avec quelques statistiques.
  • « Même si c’est une tendance de fond dans le monde des startups, en France, la majorité des investissements se font dans le transactionnel. » Je ne partage pas vraiment cette analyse : partout, les investissements se font majoritairement dans le transactionnel, parce que, comme dans la vraie vie, c’est là qu’il y a le plus de business et surtout de BESOINS de la part des clients.
    Dans une ville, il y a beaucoup plus de magasins et d’entreprises de service que de lieux de rencontre. Le web n’est pas très différents. Il faut donc s’attendre à ce que DURABLEMENT les investisseurs aillent dans plus de projets transactionnels que sociaux. De plus, le temps et l’attention des gens est limitée, et forcément on ne va pas passer sa vie sur tout un tas de trucs plus ou moins sociaux…

Il y aurait tout un tas d’autres point dont on pourrait discuter longuement, mais on va garder ça pour l’AperoEntrepreneurs :)

On peut néanmoins tirer quelques tendances et enseignements de fond…

Au final, il faut le reconnaître : il y a une bulle de projets sociaux (on en voit des palanquées), pas tous très bons, alors qu’il n’y  clairement pas la place pour tout le monde. Et qu’il y a eu déjà de la casse, d’où le comportement, bien normal, à la « chat échaudé craint l’eau froide » des investisseurs. Si on regarde à l’échelle Européenne, certains beaux services sociaux vont fonctionner, d’ailleurs plutôt ceux qui sauront répondre à un vrai besoin ou gagner la bataille de la taille (plus complexe et longue en Europe qu’aux US) pour se muter en média, ce qui est la vraie ambition des Twitter, Facebook and co. Ils vont vendre de la pub, bêtement et méchamment, il n’y a pas à creuser beaucoup sa tête pour comprendre ça.

Autre effet amplificateur et qui explique le débat qu’on a là : on parle beaucoup plus (trop ?) des startups sociales en ce moment que des autres (disons les boites transactionnelles), ce qui est normal puisque leur modèle social veut qu’ils fassent du bruit pour attirer du monde. D’ailleurs, chaque semaine, je m’inscris sur de nouveaux services, que je n’utilise plus aussi sec, et dont on n’entend plus vraiment parler. D’autres au contraire restent, et construisent peu à peu leur succès. Mais c’est clair qu’il faut s’enlever tout de suite de la tête l’idée qu’on peut monter sa boite et faire 1 milliard en un an. Créer sa boîte, c’est dur et long.

Enfin, on voit le succès des boites américaines, qui certes bénéficient d’un environnement génial pour se lancer, lever des fonds, et grossir vite. On ne parle évidemment pas de tous les gens qui n’y arrivent pas. Mais à qui effectivement on donne un retour pour leur dire que NON on ne va pas investir, et que NON on ne croit pas à l’entreprise en question (ou en l’équipe, ou dans le timing, ou…). Je reviens sur mon ratio « boites qui veulent lever / boites qui lèvent » : pas sûr qu’il soit meilleur aux USA… Beaucoup plus de gens tentent, et c’est parce qu’ils tentent souvent qu’ils parviennent à trouver LA voie… Les « deadpools » sont d’ailleurs pleines à ras-bord, mais ça, personne n’en parle.

Au final, les vrais reproches qu’on peut faire aux investisseurs, ce serait plutôt à mon sens :

  • Qu’ils mettent trop de temps à se décider.
  • Qu’ils ne motivent pas leurs choix, qu’il n’y a généralement pas de feedback.
  • Qu’ils n’admettent pas leurs échecs (mais c’est généralisé), ce qui aurait pourtant une super vertu pédagogique et thérapeutique.
  • Que personne n’ose dire à un entrepreneur qu’il ferait mieux de passer son temps et son énergie à faire un autre projet plutôt que de s’acharner, mais là c’est un autre débat, ne touchant pas seulement les investisseurs.

Et vous ? Qu’en pensez-vous ?

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  1. Plusieurs raisons peuvent expliquer le peu d’investissements français dans le social:

    – une communauté d’early adopters moins importante:
    Avec une bonne communication aux US, il n’est pas inaccessible d’obtenir rapidement une solide base de premiers utilisateurs. Ce n’est pas le cas en France. Il existe donc un retour d’utilisation bcp. plus rapide (car à plus grande échelle) qui permet aux investisseurs de mesurer l’impact d’un service ainsi que son « niveau de viralité ».

    – la nécessité d’obtenir des résultats à court terme (France) vs. construire le meilleur produit (US): pour avoir rencontrer bcp. de VC et d’angels en France, j’ai constaté qu’ils attendaient des résultats (ou au moins une « proof of concept ») rapides. Ce qui ne laisse pas bcp. de tps. aux services sociaux de démontrer qqchose car on sait que leur succès dépend principalement de la qualité du service. Le e-commerce répond mieux à leurs attentes sur ce point.
    ALors que lors de mon voyage dans la Valley, j’ai remarqué que les investisseurs laissaient plus de tps. aux entrepreneurs de travailleur sur leur produit sans les presser sur le CA.
    Je dirai donc que le produit reste le plus important aux US (devant le CA, au moins au départ).
    Cela doit surement s’expliquer par la confiance acquise par les nombreuses success story sociales américaines (vs. très peu en France)
    D’ailleurs, il est intéressant d’observer que sur tous les entrepreneurs rencontrés aux US, tous (sans exception) placent « le produit » en top priorité alors qu’en France, les avis divergent entre « stratégie financière », « la communication », « l’idée »…

    -Enfin l’hégémonie de Facebook doit effrayer certains investisseurs qui ont peur de voir le géant américain reprendre le concept de leurs sociétés, avec 500 millions d’users en plus. Ce n’est pas une bonne réflexion selon moi mais elle est malheureusement réelle.

  2. « Dans une ville, il y a beaucoup plus de magasins et d’entreprises de service que de lieux de rencontre. »

    Pour toi un restaurant ou un bar, c’est une entreprise de services ou un lieu de rencontre? :p

  3. Et tu penses qu’on peut avoir autant de sites et services « sociaux » qu’il y a de bars dans une ville ?

    Pour moi, ça ne répond pas au même besoin, tout simplement. En tout cas, entre une soirée au bar et une soirée sur facebook, j’ai vite choisi 😉

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