J’ai essayé de faire le point récemment sur tous les entrepreneurs que je connais et qui sont en train de chercher à lever de l’argent. J’en ai trouvé tout de même une bonne quinzaine, et au moment de chercher à trouver les points sur lesquels ils se ressemblaient et se différenciaient, une chose m’a assez frappée.
Une tendance de fond ou un simple accident conjoncturel ?
En effet, parmis eux, rares sont ceux qui vont chercher à lever BEAUCOUP d’argent. Par beaucoup d’argent, j’entends « à partir d’un million d’euros ». Alors, quelles peuvent être les raisons de ce phénomène, quand il y a encore 8 ou 9 ans, c’était le passage obligé d’un entrepreneur ?
- est-ce par ce que les temps sont durs?
- que les business-angels s’organisent de mieux en mieux ?
- que le coût de lancement d’une start-up a baissé (notamment sur Internet) ?
- que je connais une majorité de jeunes entrepreneurs, qui se limitent eux-mêmes dans les montants demandés ?
- que c’est la crise et que l’on revient à plus de sagesse, avec des développements d’entreprise plus basés sur le CA généré et les cash-flows disponibles ?
Je pense que c’est un peu de toutes ces raisons, bien évidemment. Mais je pense surtout que le modèle du capital-risque est en train d’être remis en cause. Je rencontrais il y a peu un fond, connu sur la place, qui m’a avoué, presque avec honte, qu’ils s’intéressaient désormais à l’amorçage avec des financements commençant à 500K€, une zone de financement jusqu’alors réservée à des pools de BA ou à de trop rares fonds d’amorçage.
La fin du modèle de financement classique des start-ups ?
Je participais aussi à une journée sur le financement des start-ups françaises, avec la prise de conscience que le capital-risque français n’atteignait pas les résultats (financiers) de ses homologues anglosaxons. Et que les prises de participation ne délivraient des rendements que finalement peu intéressant en regard du risque pris. Et devant le manque de liquidité actuel (pas d’introduction en bourse depuis 2 ans alors que c’est la voie de sortie royale) des placements, pas sûr que les chiffres s’améliorent rapidement, donnant envie aux investisseurs de replacer leurs mises.
J’ai aussi rencontré des entrepreneurs pour qui c’est plus important d’être « bien chez eux », de ne pas perdre le contrôle, d’aller à leur rythme. J’ai rencontré aussi tout un tas de business-angels prêts à s’investir dans la durée, à apporter à plusieurs les montants nécessaires au développement d’une entreprise. Il n’est pas rare maintenant de voir des entreprises bénéficier, en plusieurs tours et auprès de plusieurs groupements de BA, de sommes dépassant 5, 6 ou même 700K€. Certaines holding ISF se rapprochent également de ces montants.
Loin d’apporter une réponse tranchée (il est trop tôt), je pense que le capital-risque français va fortement évoluer dans ces prochaines années. Il existe des manques encore dans les niveaux de financement proposés, et sûrement une communication auprès des jeunes générations d’entrepreneurs, plus férus aujourd’hui de finance 2.0 et de business-angels…
18 mai 2009 at 8:34
J’avancerai plutôt l’explication suivantes (en résumé):
1) il y a plus d’entrepreneurs qu’avant (l’entreprenariat est très valorisé, il y a de plus en plus de formation, et les jeunes s’éloignent de plus en plus des carrières dans les grosses sociétés.)
2) il y a plus de business angels qu’avant (loi TEPA, mais aussi effet « anti-bourse »…)
3) Une levée de moins d’un million d’euros ne concerne (dans 95% des cas) que des B.A.
4) Lever de l’argent auprès de VCs est très difficile (le taux d’attrition des dossiers est vraiment élevé, souvent autour de un sur 100). D’autre part, ce genre de financement ne concerne que des start-ups « comme il faut » pour les VCs: fondateurs avec un track-record, équipe parfaite, technologie éprouvée, preuve de concept, premières ventes et j’en passe…
5) CCL, il est plus facile aujourd’hui pour un entrepreneur d’aller voir les B.A., qui eux peuvent rarement mettre au-dela d’un million d’euros. D’où la volonté d’annoncer des petites levées et non des grosses.
Il est clair que le capital risque souffre d’un déficit d’image auprès des entrepreneurs (voir les commentaires sur thefunded.com…), mais je ne pense pas qu’il va beaucoup changer. Au contraire, les fonds ont beaucoup d’argent, et ils vont continuer à investir dans des boites « parfaites ». Et le nombre de dossiers restera faibles.
Ce qui va changer, c’est que les dossiers plus petits, moins sexy ou atypiques auront leur chance grâce à un ÉNORME apport d’argent sur le marché grâce aux B.A (l’effet TEPA représente 2 à 3 fois le capital risque français !!). Donc plus d’entrepreneurs auront leur chance (les jeunes diplômés, les mompreneurs, les chômeurs, etc…)
Mais rares sont ceux qui rechignerons devant une levée de 5m€ auprès de « grands » VCs, après une levée B.A. Généralement, ceci signifie que le plus dur est passé et que le meilleur est à venir !
A débattre bien entendu !
18 mai 2009 at 8:44
Très intéressant. Effectivement on observe pas mal de changement dans les mentalités et aussi les pratiques.
Du côté des mentalités, le « bien chez eux » me semble être de plus en plus en place, la création d’entreprise s’apparentant de plus en plus à une démarche de développement personnel. On ne s’enrichit pas seulement d’argent…
Du côté des pratiques, j’ai l’impression que les holding ISF sont entrain de donner une nouvelle couleur aux sources de financement possibles, effectivement pour des montants plus petits. On voit aussi que les expériences de « crowdfunding » s’affichent comme des réalités(Media No Mad ou Frog Venture) et que des places de marché du financement pointent le bout de leur nez (Capital PME d’OSEO, Investigo.fr).
18 mai 2009 at 9:30
Je pense aussi que nous allons assister au renouvellement du modèle des VC et notamment dans la relation avec les très jeunes entreprises.
Terminé l’ère des IPO avec une sortie royale pour les fonds et les entrepreneurs, les culbutes ne seront plus celles d’antan. L’effet nouveauté du web ou des outils associés est absorbé et d’autres innovations apparaissent.
Un nouveau cycle est démarré depuis quelques temps et les valeurs et relations investisseurs entrepreneurs évoluent avec.
Dans ce nouvel environnement, je reste persuadé que les grandes entreprises vont s’impliquer de plus en plus. Elles le font déjà pour certaines mais restent encore prudentes.
Nous parlons toujours de la France, de l’Angleterre et des US sur ces sujets mais au regard des nouvelles innovations, sait-on comment est structuré la chaine de financement des start-up en Allemagne et en Suède par exemple ?
18 mai 2009 at 9:39
Tout à fait, et d’ailleurs jamais un VC n’investira chez un entrepreneur dont la démarche est (surtout) du « développement personnel »… cqfd.
Quand aux places de marché, c’est un outil nouveau, mais je reste très dubitatif sur leur réelle efficacité…
Les holding ISF et autres FIP sont en train de chambouler le paysage de l’investissement en France. Il y a d’ailleurs de distorsions nette de la loi, puisque ces fonds sont censés être investis dans des entreprises « risquées » (= innovantes, nouvelles, etc… par opposition à l’immobilier) et que certaines holdings ne se privent pas d’investir dans des affaires bien pépères, uniquement pour faire jouer le rendement fiscal…
18 mai 2009 at 9:53
C’est vrai que pour les places de marché, on est au tout début. L’enjeu je crois est qu’elles ne soient pas juste des collections de business plan à télécharger mais qu’elles apportent une vraie plus-value dans la présentation des projets et les mises en relation. Du boulot en perspective mais un beau challenge en tout cas !
15 juin 2009 at 13:09
le financement des entreprises innovantes grâce à la loi TEPA est un mythe. Les investisseurs fiscaux à qui l’investissement ne coute pratiquement rien, ne recherchent pas le rendement (associé au risque) d’une entreprise innovante mais plutôt une garantie de récupérer leurs fonds après la période de cinq ans. Ces investisseurs mandatent en général des gestionnaires de patrimoine plus au fait des investissements immobiliers que du capital risque.
Notre projet, sélectionné à Midinvest 2008 (salon pour les entreprises innovantes), s’est vu recalé à TEPA-Capital quelques mois plus tard pour cause de profil trop « capital risque ».