Startups & Création d’entreprise : L’art de tirer la prise…

J’ai eu le plaisir d’intervenir (une fois de plus !) sur le thème de l’échec en création d’entreprise, et ce dans le cadre des FuckUpNights – concept importé du Mexique où les entrepreneurs sont invités à venir parler de leurs « Fails » de Startup.

Comme à mon habitude maintenant, les slides sont très épurés, pas de mots ou presque, donc considérez-la comme un support joli pour ce qui est marqué ci-dessous :)
Les chiffres entre crochets, genre [1] renvoient au slide concerné.

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L’aventure de la création d’entreprise, car c’en est une, est parsemée d’embûches [4]. Heureusement que l’entrepreneur est en général plein d’optimisme [5] pour les affronter, cela lui donne au moins le temps de tester des choses avant que son cerveau ne commence à lui dire que c’est vraiment trop risqué, qu’il ne faut pas y aller, qu’il ferait mieux de faire autre chose, au hasard un job pas trop mal payé dans une bonne grosse structure bien stable. Sauf que voilà, ça ne fonctionne pas comme cela.

Passés 30 ans, et avec déjà plusieurs créations au compteur, j’ai maintenant la certitude que l’on peut faire du business (et donc monter des boîtes) sur à peu près tous les secteurs, dans tous les domaines. Mais que parfois, malheureusement, ça ne marche pas, et que plutôt que de trop essayer de faire survivre un truc qui est plus ou moins mort-né, on a tout intérêt à trouver le juste milieu entre « saine décision » et « c’est ballot, le plus dur était fait, on arrête un poil trop tôt » (je vous conseille la lecture de ce bouquin à ce sujet, sur « quand partir ou quand continuer quelque chose »). Et c’est là que réside tout « L’art de tirer la prise » [7].

Alors déjà, il faut comprendre que la fin d’une jeune pousse peut avoir 1000 raisons différentes [9] et qu’aucun d’entre nous n’a vraiment à juger l’autre dans ce moment pénible. J’ai pour ma part raté plusieurs boites (j’explique la dernière en date ici) et à chaque fois pour des raisons différentes. Cela veut aussi dire que les chances sont contre nous quand on se lance puisque l’on doit être prêt à survivre à tout un tas de trucs, que l’on ignore pour la plupart. Même s’il est vrai que 1. rien n’est plus passionnant que de se lancer (ok, je ne suis peut-être pas objectif) et 2. qu’il y a beaucoup de choses que l’on peut contrôler soi-même.

Parmi ces principales raisons, quand même, on peut en trouver plusieurs « grosses » :

  • L’équipe [11]. J’ai déjà couvert de manière extensive le sujet dans d’autres articles, je vous laisserai le soin de les retrouver. Mais en gardant en tête que LE PACTE D’ASSOCIES est primordial. Ainsi qu’une bonne grosse discussion entre associés avant de s’associer, justement.
  • Le choix et la priorisation des actions à faire (a.k.a l’exécution) [12].
  • Le timing [13] soit parce que vous vous lancez trop tôt (et que vous n’avez pas le cash de tenir suffisamment longtemps) soit que malheureusement vous avez dépassé le capital-temps que vous aviez à votre disposition… (lisez vite ceci pour comprendre de quoi je parle)
  • L’idée était pourrie [14] ou, plus fréquemment, vous êtes tellement tombé amoureux de votre idée initiale que vous n’avez pas entendu vos clients vous dire qu’ils n’étaient pas intéressés…
  • Vous ne vous êtes pas assez mis dans une optique d’itération [15] suffisante, donc quand vous vous êtes rendu compte que l’idée ne marchait pas [14] vous n’aviez plus de temps [13]. Principalement  car vous n’aviez pas priorisé les vrais trucs essentiels [12]. Et vraisemblablement l’équipe n’a pas réagi pareil à la pression, ce qui l’a faite exploser [11].
  • Vous n’aviez pas assez d’argent [16], soit pour la boite (permettant d’acheter des choses, ou d’embaucher), soit pour vous, histoire de tenir le temps nécessaire avant levée ou premier CA.
  • Le manque de vision [17]. Oui, vous aviez une super idée de fonctionnalité, mais pas de vision long terme. Donc ni capacité à souder une équipe dans la durée, ni capacité à convaincre un investisseur que parmi les 24 gugusses qui font la même fonctionnalité, l’équipe qui va réussir à réussir (héhé) ce sera vous, en tant qu’entreprise structurée et tout et tout.
  • Le manque d’énergie [18]. On ne s’en rend pas compte, mais c’est probablement un point que l’on sous-estime : monter une boite, c’est pire que d’enchaîner 6 marathons en 2 semaines. C’est méga violent au plan personnel, on se vide vraiment, et si on n’est 1. pas plein d’énergie avant de commencer, 2. bien entouré, 3. bien équilibré avec d’autres trucs à côté qui permettent de recharger les batteries… on court à la catastrophe avant même les 18 mois que tout entrepreneur peut tenir sur un projet…

 

Quoi qu’il en soit, la vie en startup va être une suite de Up & Down [20], avec une vraie sensation de « roller-coaster ».
Qu’il y aura forcément des moments où vous aurez envie de tout quitter, et que parfois ce sera la bonne décision. Cela entraîne donc plusieurs choses :

  • Savoir dès le départ le temps que vous vous donnez, les objectifs avec idées de temps, une somme d’argent que vous ne dépasserez pas…
  • De savoir vous poser – avec vos associés ou seul si vous êtes en solo – tous les 2-3 mois avec une vraie prise de recul :
  • « est-ce que vous êtes dans la bonne voie ? »
  • « est-ce que les problèmes / erreurs identifiés ont été résolus ? »
  • « est-ce que votre équipe fonctionne bien ? »
  • « comment pouvez-vous aller plus vite vers le marché ? »
  • « combien de temps vous reste-t-il avant le « mur » des 18 mois ? »
  • « est-ce que chacun y trouve son compte personnellement ? Est-ce que les objectifs de chacun sont toujours alignés ? »
Tirer la prise d’un projet n’est clairement pas chose facile à faire [22]. Et d’ailleurs tout entrepreneur qui a bossé quelques mois sur un projet aura beaucoup de mal à s’y résoudre. Tant mieux.
Cela donne de la force et de la résilience pour se battre au quotidien pour faire vivre son projet et son idée. Mais il ne faut pas s’acharner pour de mauvaises raisons : en tout cas pas pour l’égo [23] : je pense que ça y est, en France on arrive à accepter l’échec pour peu qu’il soit assumé. 
Tirer la prise nécessite de « bien » terminer, si cela est possible : ce ne doit pas être une fuite du jour au lendemain, mais une décision et un « processus » adulte : solde des comptes, explications aux personnes rencontrées jusque là, remboursement des dettes s’il y en a, clôture des structures légales, …
Puis vient le temps du rebond [24]. Car on recrée tous un jour quand on y a goûté, en général. Et si ce n’est pas tout de suite (c’est bien de refaire le plein d’énergie), on sait très bien que les années qui suivent seront bien souvent une quête d’apprentissage : en allant bosser dans une startup plus mature, en suivant une formation, en analysant ses échecs pour mieux les comprendre…
A cette étape, bien s’entourer (amis, famille) est primordial. Et par expérience, assumer son échec et en parler est une bonne chose… avant de recommencer. Parce que quand même, c’est le plus beau métier du monde, entrepreneur :) (à défaut d’être le plus vieux ;).
*
N’hésitez pas à partager vos histoires de « tirage de prise » ou vos doutes au moment de le faire dans les commentaires !

5

  1. Hill Playing

    21 août 2014 at 10:00

    Il manque un visuel 😉
    => http://bit.ly/XC65pJ

  2. Très belle analyse, on sent le vécu… en effet au plus on met la main dans l’engrenage au plus c’est dur de lâcher, pour des raisons toujours plus nombreuses. En plus par rapport à la conception anglo saxonne de l’entrepreneuriat, « l’échec » est beaucoup plus mal vécu en France, ou on repousse toujours le naufrage en faisant grossir le bateau (tiens ça me rappelle quelque chose au niveau du pays, mais c’est un autre débat).
    Dans la création de restaurant, ou de façon plus générale, quand il y a des actifs derrière, c’est encore plus dire de débrancher la prise que pour une startup du numérique au bout de 6 mois je pense, même si rien n’est jamais facile.

  3. Le problème inverse peut aussi survenir : ne pas aller suffisamment loin et laisser tomber un projet avant d’en obtenir les premiers résultats. Car il faut savoir persévérer (et galèrer…) lors des moments de doute et de faiblesse.
    Ma tendance est justement plutôt de vouloir tirer la prise trop tôt, après que l’enthousiasme initial se soit envolé et que les vrais problèmes (ou plutôt challenges) surviennent. Dans ce cas là, je pense que prendre du recul est aussi une bonne chose à faire, se reposer la question du pourquoi on fait ça.

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