France & Customer Development : incompatible ?

Pour ceux qui ne connaissent pas le Customer Development, je vous conseille de faire un tour sur cet article et les liens qui en découlent.

Le Customer Development, c’est un peu ce qui peut vous sauver la vie dans votre projet entrepreneurial. Et c’est tout simple : c’est le fait d’aller chercher des clients avant d’avoir un produit, avant d’avoir un business-plan, avant d’avoir passé 6 mois à réfléchir, ou avant de dépenser quelques milliers d’euros auprès d’une agence web.

Cela nécessite donc d’aller trouver des clients « potentiels », de les interroger, de les mettre en situation, de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour qu’ils croient que vous vendez déjà ce que vous leur proposez. Tout simplement pour avoir du « feedback » le plus pur possible (aka No-Bullshit-Feedback). Et ensuite d’avoir une relation de confiance avec vos premières « touches » sérieuses, prêtes à continuer à échanger avec vous pendant la phase de mise en place et de production du service / du produit.

Et force est de constater qu’en France, on a plusieurs petites (et vieilles) habitudes qui ne facilitent pas ce processus pour nous startups (sans vouloir être pessimiste de manière outrancière, évidemment) – et principalement startups B2B (mais le constat est plus ou moins le même pour le B2C) :

  • le français est peu « technophile / early-adopter / curieux de nouvelles solutions »
  • le français potentiel testeur / acheteur est long à contacter et convaincre de prendre le risque de tester quelque chose nouveau. J’ai le sentiment que l’approche ailleurs est beaucoup plus simple et proche de : « Bonjour, j’ai quelque chose qui peut potentiellement vous faire gagner du temps / de l’argent / … Voulez-vous l’essayer, ça ne prendra que quelques minutes ?  » – « Ok, bien sûr, quand ? ».
  • le français enfin testeur ne sait pas donner son avis (ou ne le donne pas tout court) : il a peur de froisser et ne rend donc pas service à l’entrepreneur qui lui n’a qu’une envie – avoir un retour, même négatif. Après tout ce sont les claques qui font du bien – on le sait tous !
  • l’acheteur français (en entreprise) ne valorise pas la chance d’être l’un des premiers à utiliser une solution innovante qui va lui donner un avantage sur ses concurrents, en ayant une possibilité d’impacter le cours de la roadmap pour que cela colle vraiment à ses propres besoins…
  • l’acheteur français (en grande entreprise) n’accorde quasi aucune attention à une « startup » (comprenez boite de moins de 3 ans – environ) et les délais (pour tout) sont bien trop longs. Quand, par magie, l’entreprise ne décide pas finalement d’essayer de faire ce que vous lui proposiez par elle-même ou d’essayer de le trouver dans une autre grosse boite ou SSII.

Les tords sont partagés, et rien n’est irrémédiable ici – la situation n’est pas « que » toute noire, et bien évidemment qu’on peut faire du customer development, en France, et même de la Lean Startup.

C’est juste que – culturellement – les « clients » français sont moins bien équipés dans l’esprit « testeur » que nos copains anglo-saxons, et que même en épousant totalement les préceptes de la Lean Startup… c’est pas si évident que cela dans les faits !

Qu’en pensez-vous ?
Des anecdotes de phases beta / customer-development / recherche de « premier client » à partager ?

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  1. Salut Guilhem
    Je te trouve presque trop gentil dans ton post.
    La prise de risque n’existe pas en France. Principe de précaution oblige. Car bien que tester une nouvelle solution soit comme tu le dis une opportunité d’obtenir un avantage concurrentiel et d’orienter le futur du produit au plus pret de ses besoins, c’est avant tout la peur de l’échec du test et donc la mise en danger de son poste au sein de l’entreprise. C’est presque culturel comme formation de l’esprit.
    Evidemment, il y a des exceptions et heureusement pour avancer dans nos entreprises et pour le pays.
    J’ai envie de dire qu’il faut reformater le pays pour exploiter tous les bénéfices d’un autre mode de fonctionnement
    On s’y met déja, il faut accélerer le mouvement 😉
    Bruno

  2. Hello Guilhem,

    Je pense que cela dépend majoritairement du type de produit et de la cible. Il est bien plus aisé d’aller s’adresser à des étudiants pour faire du customer discovery/development que de le faire auprès de soixantenaires.
    Catégoriser le « français » de manière aussi tranchée est une erreur selon moi. Les français ont culturellement une aversion au risque plus grande que les anglo-saxons mais les early-adopters existent. Il faut souligner le fait que les américains, si on les prend comme exemple, représentent un marché de 300 millions de consommateurs, quand la France en possède 5 fois moins.

    La culture française est encore peu éduquée sur le monde des startups et l’entrepreneuriat web, quand des villes américaines comme San Francisco représentent des hubs monstrueux qui sont un éco-système bouillant pour les startups web. La France fait son chemin, mais a quelques années de retard. Cela n’empêche pas du tout le customer development, mais le complique.

    Pour ceux qui s’intéressent de près au customer development, je recommanderais de lire 4 steps to the Epiphany de Steve Blank, qui explique de customer development de manière plus poussée que Eric Ries dans Lean Startup. Il recommande également des méthodes spécifiques pour faire du bon customer development !

  3. Impossible de faire une généralité ! Pour avoir fait du Customer Development sur 2 produits B2B, je peux dire que ça dépend du produit et surtout de la proposition de valeur. Avec le recul, je me suis rendu compte que l’un de mes produits était un « nice to have » et que tous les arguments que m’opposait le client étaient une façon polie de dire « non merci » en faignant un intérêt.

    Pour l’autre produit, c’était l’idéal ! Je suis arrivé avec une solution, et le client a détecté un problème que ma solution pouvait résoudre, en la modifiant.

    Donc je pense que dans ton cas… C’est juste que tu ne leur apporte pas un « must have » ou que tu n’as pas encore trouvé tes premiers adeptes !

  4. Tirons le diable par la queue. Peut-être cette tendance à ne pas vouloir perdre du temps pour ce genre de tests est à mettre en lien avec la forte productivité française.

  5. Assez d’accord avec Sébastien, les français sont beaucoup plus difficiles, on ne leur fait pas gober n’importe quoi. Dur pour nous startupers, mais au moins quand ça marche c’est que c’est vraiment bon (et durable ?).

    Le dernier point, sur les grandes entreprises, est particulèrement difficile à digérer (ne sont-elles pas censées porter l’économie française ?), mais pas tellement surprenant; les quelques expériences que j’ai eu avec elles sont dans le cadre de développements d’applications iOS (le but étant d’illustrer les propos). J’ai été témoin de véritables étripages inter-services (et au sein d’un même service d’ailleurs); Alors même que l’application avait rencontré un réel succès auprès de leurs clients oO !
    Le problème est simple, pendant le dev tout le monde se débine de peur d’être tenu responsable, et quand ça marche tout le monde se fout sur la gueule pour savoir qui mérite la gommette sur son cahier..
    C’est sûr que dans une ambiance pareil le pauvre petit startuper n’a pas trop sa place.
    Bref, restons loin des grosses boites, à moins bien sûr d’avoir un piston :(

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