L’art de gérer sa trésorerie en création d’entreprise

S’il y a bien un truc important lorsque l’on est le patron de sa petite boite, c’est la tréso. Il se dit d’ailleurs que la moitié des entreprises qui se plantent le fond en raison de problèmes de trésorerie, c’est dire s’il est important de jeter un œil plus qu’attentif.

Gérez votre trésorerie !

Dans le milieu de l’accompagnement à la création d’entreprise, on dit qu’il y a trois stades par lesquels vont passer les entrepreneurs :

  1. le pilotage de l’activité par la croissance du CA : l’entrepreneur veut faire grossir son entreprise, et se concentre sur l’obtention de nouveaux clients, sur le développement de la première ligne du compte de résultat : le Chiffre d’Affaires.
  2. le pilotage de l’activité par l’amélioration de la rentabilité : le CA commence a grossir et l’entrepreneur se rend compte que le plus important, c’est d’avoir une croissance rentable. On limite un peu les coûts à-droite-à-gauche, on essaie de mieux défendre ses prix, on tente de fidéliser les clients existants pour lesquels l’effort commercial est déjà fait, …
  3. le pilotage de l’activité se fait par la trésorerie : au-delà d’un chiffre d’affaires et d’une rentabilité, c’est surtout du cash que l’entrepreneur dirige son entreprise. On cherche à être payé un peu plus vite, à sécuriser des versements réguliers, à prévoir mieux les grandes dépenses et les lisser dans le temps, à variabiliser au maximum les charges, …

Pour l’entrepreneur qui se lance, il faut en général s’attendre à quelques mois voire années de trésorerie « compliquée. Mais déjà, c’est quoi la trésorerie ?

Pour ceux qui sont novices en la matière, c’est tout simplement le cash que l’on a effectivement en banque. Et pour comprendre pourquoi des entreprises rentables peuvent être en difficulté, il suffit de se mettre dans le cas suivant :

L’entreprise TheSampleStartup vend des prestations de service dans le domaine de l’industrie. Elle dispose de 25K€ de cash à son lancement, sous forme de capital de départ et d’un peu de compte courant. Elle commence à chercher des clients (elle a eu un premier « client » test, avec un tarif bradé, mais une bonne référence sur le secteur), s’équipe de locaux pour 1K€ par mois, et recrute 2 stagiaires pour un total d’1K€ par mois aussi. Les dépenses liées au démarchage sont de 500€ par mois.

TheSampleStartup « crame » (on parle, en anglais, de « burning rate ») donc 2,5K€ par mois, et dispose donc d’un « runway » (le temps qui lui reste à vivre, en fonction de ses dépenses) de 10 mois (25K/2,5K).

Les processus de décisions commerciales sont un peu plus long que prévus (5 mois pour signer la première mission, au lieu de 3 mois dans le business-plan), et la première mission est vendue pour 30K€. Au moment de la signature, il reste donc encore 5 mois de trésorerie dans l’escarcelle de TheSampleStartup (5 mois à 2,5K€ se sont écoulés), soit 12.500 € tout pile.

Pour assurer la mission, TheSampleStartup fait appel à un expert (4000€ sur l’ensemble de la mission) et doit acheter divers logiciels et études, au total pour 3000€.

2 mois se passent encore, le temps de finaliser la mission. Il ne reste plus que 12.500 – (4000 + 3000 + 2*2500), soit 500€, au moment où la facture part. La facture étant réglée sous deux mois (mais le chèque se perd, le comptable du client part en vacances, etc.) et le règlement réel ne se fait que 3 mois après facturation.

L’entreprise, si elle n’a pas vendu, facturé, et encaissé autre chose dans l’intervalle, est en défaut de trésorerie : 10 mois après son lancement, même en ayant développé son chiffre d’affaires, et même en étant rentable à l’échelle d’un contrat, a -7000€ à la banque (500 – 3*2500). Alors même que, dans les faits, il lui reste normalement 23K€, après paiement par son client.

Sans solutions pour gérer mieux sa trésorerie, TheStartupSample n’aurait pu honorer loyers, salaires, et frais de démarchage. Pire, face à un imprévu (que l’on déteste en gestion de trésorerie) ou des échéances « dures », tout aurait pu s’arrêter : impôts ou charges sociales en retard, découvert ou prêt court terme arrivant à échéance, loyer ou bail commercial, …

La situation décrite ci-dessus, vous pouvez la vivre très vite dans votre propre business, vraiment, et ce n’est pas beau à voir… Il existe quand même quelques solutions, conseils et bonnes pratiques :

  • Déjà, suivez votre trésorerie de près ! Dès le démarrage de l’entreprise, prenez l’habitude de tenir un tableau de trésorerie, hebdomadaire, avec les entrées et sorties prévues, celles qui dérapent, avec une projection de quand vous risquez d’avoir des soucis…

 

  • Ensuite, c’est votre boulot de vous assurer qu’il y a du cash en banque. Vous en êtes tellement obnubilé que dès que vous sentez le boulet de canon arriver vous ne vous concentrez plus que sur ça : levée de fonds, négociation avec le banquier, recherche très rapide de « coups » commerciaux à-mêmes de faire rentrer quelques sous à court terme, …

 

  • Prenez les devants. Demandez un acompte systématiquement, prévenez vos clients quelques jours avant la date d’échéance, recourez à l’affacturage (si vous êtes en B2B)…

 

  • Creusez-vous la tête pour améliorer votre business-model, afin de passer de ce qu’on appelle un BFR positif (un besoin de fond de roulement positif, c’est-à-dire que vous avancez l’argent nécessaire à la croissance) à un BFR plus léger voire négatif. Lancez des offres à abonnement, par exemple, vous amenant ainsi plus de prévisibilité et de sécurité, même en abandonnant une partie de la marge.

 

  • Évitez les surprises. Sur les questions de trésorerie, notamment avec votre banquier, essayez toujours de prévoir le plus longtemps possible. Autant un banquier pourra bien prendre qu’on lui dise « dans 1 mois j’aurai besoin de 15K€ de découvert pour telle et telle raison, mais voilà mes rentrées futures ensuite », autant il vous fera payer très cher un incident pour lequel il sera devant le fait accompli.

 

  • N’accélérez pas sans être sûr que vous en avez les moyens. Le pire pour un chef d’entreprise je pense, c’est d’exploser en vol, pour des questions de tréso, alors que sa boite était en train de se développer commercialement. Si vous n’avez pas la trésorerie nécessaire pour assumer d’un coup beaucoup de clients, abstenez-vous de prendre de nouvelles commandes ou de pousser la comm’ et le commercial, vous creuseriez vous-même votre tombe…

 

  • Ne lâchez rien. Poursuivez vos clients dès le premier jour de retard de paiement. Exigez 30% d’acompte. Pointez inlassablement les sorties et entrées dans votre tableau, sans attendre ou faire confiance à votre comptable. Communiquez fréquemment avec votre banquier. Ne cédez pas à la tentation du gros chiffre d’affaires qui va vous plomber pour la suite…

Et vous, c’est quoi vos astuces de gestion de trésorerie ?
Partagez-les dans les commentaires !

 

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  1. L’astuce c’est surtout de faire un calcul de BFR et de capitaliser l’entreprise en conséquences…Apparement, beaucoup de créateurs oublient de calculer ce montant qui est parfois très consommateur de cash, en particulier dans les activités ou l’on payes ses fournisseurs au comptant et ou on se fait payer à 60 jours par ses clients !

  2. Bonjour,

    « Dès le démarrage de l’entreprise, prenez l’habitude de tenir un tableau de trésorerie, hebdomadaire, avec les entrées et sorties prévues, celles qui dérapent, avec une projection de quand vous risquez d’avoir des soucis… »

    Je suis curieux, aurais-tu un document type sous la main ?

    Vincent

  3. Bien d’accord avec le dernier point: un euro c’est un euro, pas question de faire des fleurs au client qui est 10x plus gros que vous!

  4. @21 : http://www.apce.com/pid1610/plan-tresorerie.html

    perso j’aime bien partir d’un tableau prévisionnel que j’ajuste au fur et à mesure, ce qui me permet de très rapidement voir où je me situe par rapport à mes prévisions…

  5. Bonjour,

    Dans l’hypothèse oú l’on paye ses fournisseurs avec le même délai que celui respecté par son client, la durée du défaut de trésorerie revient à la période entre la commande au fournisseur et la livraison du client soit dans le cas de mon futur business, une à deux semaines environ.
    Est-ce un délai rédhibitoire pour la banque ou sont-ils « compréhensifs » ?

    Au passage, très bon blog. J’en mange quelques pages par jour. J’en suis à Septembre 2009 en ce moment !

    • @Sylvain : En fait, sur le papier, ce que tu dis es vrai. Dans la réalité, tu avances forcément des coûts de prospection, des charges fixes, tout n’est pas aussi bien huilé et il faut trouver le bon calcul pour comprendre jusqu’à quand (et combien) il est nécessaire de financer l’activité avant qu’elle ne commence à s’auto-financer (si elle le peut un jour, certains business « mangeront » du cash en opération de manière structurelle…

      Sinon, pour ton régime, très bonne idée ! Bon repas !

  6. Bonjour,
    Je confirme pour l’avoir vécu, j’ai piloté ma petite structure en Tréso, et effectivement les 2 choses les plus importantes (parmi toutes celles qui ont été citées dont il faut largement s’inspirer) sont : (1) cultiver la confiance du banquier en étant transparent en lui annonçant les bonnes et les mauvaises nouvelles, (2) gérer le runway « temps de vie » en se donnant une limite à ne pas dépasser si non c’est le mur.

  7. Excellent billet (comme souvent).

    Je rajouterais un point : Rendez fréquemment visite à votre banquier, et tenez le informé des bonnes nouvelles. Il sera ainsi plus compréhensif lorsqu’une tuile arrivera (ça ne manquera pas de se produire).

    N’oubliez pas que le montant de votre découvert autorisé comme les éventuels avantages de trésorerie qu’il pourrait vous accorder le sont sur des critères parfois (voire souvent) subjectifs.

    Mieux votre banquier vous connait, plus il sera à même de défendre votre dossier auprès de sa hiérarchie.

  8. je suis pas entrepreneur, je suis un banquier. A mon avis, ce qui est surtout vital pour un projet est d’établir un budget, tout en valorisant des postes biens précis (postes des ventes, postes de charges, postes d’investissements, …).

    Il faut aussi avoir une bonne tenue de la comptabilité par rapport à ce budget. n’oublions pas qu’une bonne comptabilité est une garantie autant pour les organes de contrôles (fisc, audit, …) que pour les banques.

    il est aussi obligatoire de se fixer des ajustements par rapport au budget initial, de manière à avoir un contrôle permanent sur le cash réel.

    P.S : Budget entend aussi bien, budget de trésorerie que budget en général. Astuce, pour les banques, ce qui importe vraiment, ce sont les perspectives du moment que celles sont bien viables

  9. Très intéressant. Plusieurs entrepreneurs auraient avantage à lire ce document. Félicitation

  10. Je voudrais surtout attirer l’attention de certains opérateurs qui confondent chiffre d’affaire, rentabilité et trésorerie(constituée du cash en banque et en caisse)ses trois notions sont bien distincts, ce document merite d’être interiorisé.

    Produire c’est bien pour accroitre son chiffre d’affaire mais recouvré c’est mieux car c’est du recouvrement que l’on du cash pour faire fasse à ses charges de fonctionnement et donc éviter des tensions de trésorerie).
    Pour avoir une bonne visibilité, ou une bonne maîtrise de ses outils, la tenue d’une comptabilité regulière est indispensable quelqu’en soit la taille de l’entreprise.

    Il ya la nécessité d’établir un planning de trésorerie et d’en faire un suivi regulier.

  11. Bonjour, je suis actuellement en terminale comptabilité et finance des entreprises et pour le bac nous avont une étude a rendre qui porte sur un sujet bien defini. Mon sujet est le suivant : comment gerer sa tresorerie en relation avec son banquier? J ‘aimerais savoir si un entrepreneur pourrait me renseigner sur les relations entretenue avec le banquier afin de gerer au mieux sa tresorerie. merci par avance de votre aide.

  12. Bonjour,
    J’aurai besoin d’aide pour un projet que je mets en place.
    Mon sous thème est le suivant :

    ST : Comment gère-t-on sa trésorerie en relation avec son banquier ?

    Je dois faire une intro qui explique le sous thème .

    En vous remercient d’avance.
    Ken.

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